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Comment réglementer en matière environnementale en 2023 ?

Table des matières

Au siècle passé, l’environnement était un domaine dont peu de personnes voulaient s’occuper. Les temps ont certes changé, et avec la multiplication des normes environnementales de provenances diverses, iI est primordial pour les municipalités d’apprendre à naviguer la priorité des normes.

Le 3 juillet 2023, la Cour d’appel confirmait une décision de la Cour supérieure ayant validé le règlement relatif à la distribution d’imprimés publicitaires de la Ville de Mirabel[1]. Par celui-ci, Mirabel mettait en place un régime « opt in » pour la distribution des produits de type « publi-sac ». Médias Transcontinental S.E.N.C. avait échoué à faire valoir que la Ville excédait son pouvoir de réglementation en vertu de la Loi sur les compétences municipales[2] ou que ce dernier était autrement limité par les articles 53.1 et suivants de la Loi sur la qualité de l’environnement[3]portant sur la gestion des matières résiduelles.

Puis, le 19 juillet 2023, la Cour d’appel confirmait une autre décision de la Cour supérieure dans laquelle elle déclarait inopérantes les dispositions maîtresses du règlement municipal sur les vidanges des fosses septiques de la Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac[4]. Selon la Cour, le règlement est inopérant dans la mesure où il est plus sévère que le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées[5] pris par le gouvernement en vertu de la LQE, conformément à l’article 118.3.3 de cette même loi.

Ces décisions traitant des principes qui doivent guider une municipalité dans l’adoption de règlements portant sur l’environnement nous permettent de mieux cerner l’imbrication des normes municipales à celles du fédéral et du provincial.

Dans la constitution, l’environnement est une compétence de facto concurrente[6]. Chaque ordre peut légiférer en vertu des compétences nommées qui leur sont déléguées en ce domaine, comme l’a d’ailleurs fait Québec en déléguant une compétence de réglementation de l’environnement aux municipalités locales[7].

Vis-à-vis Ottawa

Lorsqu’il adopte un règlement portant sur l’environnement, le législateur municipal doit éviter que son objet touche aux compétences fédérales, sauf d’une manière accessoire[1]. De manière importante pour l’environnement, nous relevons les compétences fédérales suivantes : la propriété publique fédérale, le trafic et le commerce, le service postal et la navigation[2].

Il doit ensuite s’assurer que celui-ci n’entre pas en conflit avec des normes législatives ou réglementaires adoptées par le fédéral.

D’ailleurs, en 2022, Ottawa a adopté le Règlement interdisant les plastiques à usage unique[3], dont d’autres dispositions doivent prochainement entrer en vigueur.

Dans une situation où le règlement municipal et le règlement fédéral s’appliquent, les tribunaux pourront réconcilier les deux textes autant que possible. Toutefois, s’il est impossible pour une personne d’obéir aux deux textes, créant ainsi un conflit irréductible entre eux la prépondérance fédérale s’appliquera[4].

Par exemple, si un règlement municipal permet explicitement l’usage de sacs d’emplettes en plastique à usage unique alors que le nouveau règlement fédéral l’interdit, la disposition du règlement municipal sera inopérante.

Vis-à-vis Ottawa, lorsqu’une municipalité adopte un règlement environnemental, ce dernier pourrait être plus sévère que celui adopté par le fédéral.

Vis-à-vis Québec

Trois situations distinctes se dessinent pour une municipalité locale souhaitant adopter un règlement environnemental : (1) une réglementation adoptée en vertu de la LQE existe et aura priorité sur toute disposition d’un règlement municipal portant sur le même objet en vertu de l’alinéa premier de l’article 118.3.3, (2) une réglementation adoptée en vertu de la LQE existe dont l’application est confiée aux municipalités et ne causera pas l’inopérabilité du règlement municipal visant sa mise en œuvre en vertu du quatrième alinéa de l’article 118.3.3 et (3) il n’y a pas de réglementation adoptée en vertu de la LQE, laissant alors place à un test similaire à celui appliqué vis-à-vis Ottawa, le conflit irréductible en vertu de l’article 3 de la LCM.

La décision de la Cour d’appel rendant inopérantes les dispositions maîtresses du règlement des vidanges des fosses septiques de Saint-Joseph-du-Lac porte sur ces deux premières situations.

Comme il s’agit d’un domaine environnemental déjà occupé par Québec avec un règlement adopté en vertu de la LQE, le premier alinéa de l’article 118.3.3 prévoit que tout règlement municipal dont l’objet est le même sera inopérant[1].

Saint-Joseph-du-Lac faisait valoir que les finalités de son règlement étaient complémentaires à celles du règlement provincial. La Cour refuse de se pencher sur des arguments de complémentarité similaires à ceux que l’on doit traiter dans des cas de fédéralisme ou de normes provinciales hors LQE. Ces deux règlements portant sur le même objet, cela était suffisant pour déclarer inopérantes les dispositions du règlement municipal.

Or, le règlement provincial en cause était plutôt un règlement dont l’entièreté ou certaines parties sont appliquées par toutes les municipalités. Le quatrième alinéa de l’article 118.3.3 était donc applicable :

Le premier alinéa ne s’applique pas aux dispositions d’un règlement pris en vertu de la présente loi qui prévoit qu’un tel règlement ou certains articles de ce règlement sont appliqués par toutes les municipalités, par une certaine catégorie de municipalités ou par une ou plusieurs municipalités lorsque le règlement municipal vise la mise en œuvre des dispositions d’un règlement pris en vertu de la présente loi.

Ce nouvel alinéa ajouté à la LQE en 2021 est utile, par exemple, pour les municipalités locales qui veulent que certains outils comme les recours en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2] demeurent disponibles lorsqu’elles appliquent le nouveau régime transitoire des milieux humides et hydriques[3]. Elles n’ont alors qu’à adopter une réglementation reprenant mot pour mot les normes provinciales qu’elles ont la responsabilité d’appliquer.

La Cour d’appel reprend l’argument portant sur le quatrième alinéa, et rappelle que le règlement municipal prévoit des normes distinctes de celles du règlement provincial. Elle affirme que prévoir des normes réglementaires plus contraignantes n’est pas une « mise en œuvre »[4]. La Cour supérieure avait également conclu que des infractions pénales distinctes ne pouvaient être incluses à un règlement municipal « de mise en œuvre »[5].

Ainsi, un règlement municipal portant sur le même objet qu’un règlement provincial adopté en vertu de la LQE sera inopérant, sauf si ledit règlement provincial doit être appliqué par la municipalité locale et que le règlement municipal reprend mot pour mot les normes provinciales.

La troisième situation survient lorsque le règlement municipal s’imbrique dans un champ qui n’est pas occupé par Québec, comme dans la décision portant sur le règlement de la Ville de Mirabel[6].

Ayant déterminé que le règlement municipal tirait sa source du pouvoir municipal en vertu de l’article 10(3°) de la LCM de réglementer la « distribution d’imprimés […] sur un immeuble privé », la Cour d’appel se penche sur l’article 3 de la LCM qui prévoit le régime général de l’inopérabilité d’un règlement municipal.

Toute disposition d’un règlement d’une municipalité adopté en vertu de la présente loi, inconciliable avec celle d’une loi ou d’un règlement du gouvernement ou d’un de ses ministres, est inopérante.

Dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, le législateur québécois a prévu un schème dans lequel les interventions des municipalités doivent s’insérer, aux articles 53.1 et suivant de la LQE. Transcontinental faisait valoir que le règlement de Mirabel agit à l’extérieur de ce schème et qu’il est donc inconciliable. La Cour d’appel rappelle que même si le régime « opt in » réduisait la quantité de matière résiduelle à éliminer, soit l’objet même du schème législatif[7], ce règlement serait plutôt en harmonie avec ce schème.

À ce titre, le test à appliquer vis-à-vis Québec est similaire à celui exposé ci-haut vis-à-vis Ottawa :

[4] […] il faut d’abord que les deux touchent des sujets similaires et, ensuite, qu’un citoyen pour obéir à l’un doive enfreindre l’autre.[8]

Le règlement municipal peut ainsi être plus sévère qu’une loi ou un règlement provincial, pourvu que l’article 118.3.3 LQE ne trouve pas application.

Au siècle passé, l’environnement était le domaine dont personne ne voulait s’occuper. Les temps ont certes changé, et avec la multiplication des normes environnementales de provenance diverse, iI est primordial pour les municipalités d’apprendre à naviguer la priorité des normes d’un ordre vis-à-vis celles d’autres.