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Couper la carte de crédit
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Faut-il couper la carte de crédit du maire ou de la mairesse?

Table des matières

Il est pratique courante dans certaines municipalités de fournir une carte de crédit au maire ou à la mairesse pour utilisation dans le cadre de ses fonctions.

En 2022, la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) de la Commission municipale du Québec a publié deux rapports dans lesquels elle dénonce cette pratique[1].

Rappelons que la DEPIM applique la Loi facilitant la divulgation des actes répréhensibles à l’égard des organismes publics[2] et qu’elle peut notamment faire enquête sur la gestion des organismes municipaux.

Selon la DEPIM, les lois municipales prévoient que seul un fonctionnaire ou un employé peut se faire déléguer par le conseil le pouvoir d’autoriser des dépenses et de passer des contrats au nom de la Municipalité[3]. Cela exclut que cette délégation puisse être faite en faveur d’un membre du conseil.

Par ailleurs, pour les membres du conseil, c’est la Loi sur le traitement des élus municipaux[4] (LTEM) qui encadre le remboursement de leurs dépenses.

En ce qui concerne les conseillers municipaux, en règle générale, ils ne peuvent pas poser un acte qui entraîne une dépense pour la Municipalité, à moins d’y être préalablement autorisés par résolution et de dépenser un montant n’excédant pas celui qui est fixé à la résolution[5].

La LTEM prévoit la possibilité pour le maire ou la mairesse de poser un acte dont découle une dépense pour la Municipalité dans la mesure où cette personne agit dans le cadre de l’exercice de ses fonctions[6], lorsqu’elle représente la Municipalité[7] ou encore à des fins de repas[8], dans certains contextes et à certaines conditions seulement.

Si le maire ou la mairesse peut être ainsi dispensé d’autorisation préalable pour engager une dépense pour le compte de la Municipalité dans l’exercice de ses fonctions, il n’est pas pour autant soustrait à l’obligation de présenter un état appuyé de toute pièce justificative dans la mesure où il désire obtenir le remboursement de la dépense[9].

Or, la DEPIM considère que l’utilisation d’une carte de crédit implique, dès le moment où la transaction est faite, la réalisation d’une dépense directe pour le compte de la Municipalité. Cette dernière serait donc placée devant le fait accompli, liée contractuellement par la transaction par carte de crédit, sans pouvoir juger de la pertinence de la dépense effectuée, du montant de la dépense et de la conformité de celle-ci aux besoins municipaux.

En privant ainsi le conseil de sa capacité d’exercer sa responsabilité de statuer sur la dépense, l’utilisation de la carte de crédit par un élu irait à l’encontre du principe selon lequel le conseil municipal doit administrer l’argent des contribuables avec le plus grand soin. Cette pratique court-circuite également le mécanisme de remboursement prévu par la LTEM.

Enfin, la DEPIM considère aussi que ce n’est pas le rôle des membres du conseil d’effectuer des achats pour le compte de la Municipalité et que cela excède leur rôle de personne élue, entre autres en s’arrogeant les fonctions dévolues aux employés municipaux.

Même si la DEPIM ne met pas en doute la bonne foi des personnes visées par ses enquêtes et l’aide qu’elles ont voulu apporter à leur municipalité, elle conclut moins qu’elles se sont placées dans la position d’exécutantes en effectuant des tâches relevant des employés. Dans ce contexte, la survie de la carte de crédit d’un élu municipal est difficile à justifier… La DEPIM recommande justement le retrait de toute carte de crédit au nom d’un élu.

Enfin, en 2024, la DEPIM a publié un autre rapport portant sur l’utilisation de la carte de crédit, cette fois-ci par un directeur général[10]. Même si le rapport ne remet pas en question l’utilisation d’une carte de crédit comme méthode de paiement par un fonctionnaire à qui a été délégué le pouvoir d’autoriser une dépense, il souligne que cela ne dispense pas son titulaire :

  • De s’assurer de la disponibilité des crédits avant d’effectuer des dépenses[11];
  • De faire rapport au conseil de telles dépenses[12].

Selon la DEPIM, le rapport au conseil municipal devrait être détaillé et ne devrait pas se limiter à présenter le relevé de carte de crédit dans la liste des comptes et des chèques qui est présentée au conseil pour approbation. Les factures pertinentes devraient également être disponibles au conseil afin que celui-ci puisse vérifier la pertinence et la raisonnabilité de telles dépenses.