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Photo par Jael Vallée via Unsplash
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Le droit de filmer et enregistrer les séances du conseil municipal

Table des matières

Les lois municipales prévoient que les séances du conseil municipal sont publiques[1], mais que les conseils municipaux peuvent adopter des règlements pour ce que la Loi sur les cités et villes appelle « la régie interne et le maintien de l’ordre durant les séances »[2] et le Code municipal du Québec, « la conduite des débats du conseil et le maintien du bon ordre et de la bienséance pendant les séances du conseil »[3].

Pendant de nombreuses années, se posait la question du droit des citoyens de filmer ou d’enregistrer les séances du conseil et de la possibilité pour le conseil municipal de l’interdire ou de l’encadrer par règlement.

Ces questions se sont parfois retrouvées devant les tribunaux qui ont tantôt reconnu le droit des municipalités de réglementer l’enregistrement de leurs séances[4], alors que d’autres ont annulé des interdictions jugées trop larges[5].

En pratique, plusieurs municipalités du Québec interdisaient aux citoyens de filmer, d’enregistrer ou photographier le déroulement d’une séance du conseil municipal. Par ailleurs, certaines municipalités ont opté la captation vidéo et la diffusion, sur Internet, des séances du conseil municipal. Cette pratique de diffusion des séances sur le web s’est particulièrement répandue durant l’état d’urgence sanitaire, période pendant laquelle les citoyens n’avaient plus le droit de se déplacer pour assister en personne aux séances du conseil.

En 2021, le législateur a précisé les règles applicables par l’ajout d’une nouvelle disposition :

Toute personne peut, lors d’une séance du conseil, capter des images ou des sons au moyen d’un appareil technologique. Le conseil peut, en application de l’article 331[6], prévoir des règles visant à ce que l’utilisation des appareils technologiques ne nuise pas au bon déroulement des séances.

Malgré le premier alinéa, le conseil peut interdire la captation d’images ou de sons si l’enregistrement vidéo de chaque séance est diffusé gratuitement sur le site Internet de la municipalité ou sur tout autre site Internet désigné par résolution de cette dernière. L’enregistrement vidéo doit être ainsi disponible à compter du jour ouvrable suivant celui où la séance a pris fin, pour une période minimale de cinq ans[7].

Ce faisant, ce n’est que lorsque la municipalité diffuse elle-même ses séances qu’elle pourra interdire la captation d’images ou de sons. Dans le cas contraire, la disposition consacre le droit de toute personne de capter des images ou des sons au moyen d’un appareil technologique.

Cette disposition permet toutefois d’adopter des règles pour que la captation ne nuise pas au bon déroulement des séances. Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation fournissait à titre d’exemple la possibilité de prévoir un emplacement précis depuis lequel les personnes pourront enregistrer ou encore d’interdire le son émis par les appareils d’enregistrement[8].

En novembre dernier, la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) de la Commission municipale du Québec a également publié un rapport dans lequel elle dénonçait une pratique non conforme aux nouvelles règles dans une municipalité[9].

Rappelons que la DEPIM applique la Loi facilitant la divulgation des actes répréhensibles à l’égard des organismes publics[10] et qu’elle peut notamment faire enquête sur la gestion des organismes municipaux.

Selon le règlement municipal analysé par la DEPIM, l’utilisation d’appareils d’enregistrement devait être préalablement mentionnée au président du conseil, mais dans les faits, le maire appliquait la disposition comme exigeant une autorisation de sa part pour pouvoir filmer ou enregistrer les débats.

Le rapport conclut à la non-conformité du règlement et des pratiques du maire comme suit :

Si la Ville interdit aux gens présents dans la salle de capter la séance du conseil, elle doit elle-même procéder à la captation et à la diffusion sur Internet dès le lendemain et la rendre accessible au moins 5 ans, ce que la Ville ne fait pas, contrevenant ainsi au principe de la publicité des séances du conseil.

L’ajout de l’article 322.1 LCV sur l’enregistrement des séances vise un équilibre adéquat entre le droit du public à une information complète et exacte, les prérogatives du conseil afin d’assurer le bon déroulement des séances dans le respect de l’ordre et du décorum. Toute pratique non conforme à la loi affecte l’intention du législateur d’assurer le droit du public à une information complète et exacte.

Considérant ces règles sont en vigueur depuis maintenant plus de deux ans, il serait prudent de vérifier que le règlement qui encadre le déroulement des séances de votre municipalité est conforme à la loi, surtout s’il a été adopté avant 2021.