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Peut-on poursuivre une Ville pour un bien donné gratuitement ou devient-il un cadeau empoisonné ?

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Par Veronika Kiryanova, avocate 

Compost, rebuts de bois, remblai, terre, etc. : il est courant que les villes et les municipalités offrent des services et donnent des biens à ses citoyennes et à ses citoyens, et ce, de façon tout à fait gratuite. Or, qu’arrive-t-il lorsque celles-ci offrent gratuitement des biens atteints des vices de qualité ?

En ces circonstances, la question se pose sur le régime applicable et, surtout, sur leur responsabilité potentielle. Bonne nouvelle pour les villes et les municipalités : celles-ci ont peut-être une défense additionnelle à soulever.

La Loi sur les compétences municipales ainsi que la Loi sur l’interdiction de subventions municipales prévoient un régime clair visant les mesures d’aide financière que les villes et les municipalités peuvent accorder aux citoyennes et aux citoyens et aux organismes à but non lucratif. Cependant, lorsque les villes et les municipalités offrent des biens gratuitement, ce sont les règles de la donation qui doivent trouver application.

La Cour supérieure dans Garneau c. Ville de Victoriaville[1] s’est en effet prononcée en octobre 2022 sur une situation de donation de remblai de la terre qui s’est terminée en poursuite judiciaire pour des sols contaminés.

Ainsi, après avoir demandé de la terre gratuite pour mettre à niveau son terrain vacant, madame Pierrette Garneau tente de vendre ledit terrain et apprend que le sol de celui-ci est contaminé. La vente n’a alors pas eu lieu et Mme Garneau poursuit la Ville de Victoriaville pour la contraindre à exécuter des travaux de réhabilitation et, subsidiairement, pour lui réclamer des dommages qui s’évaluent à 86 931,25 $. La conclusion de l’honorable juge Nicole Tremblay est la suivante : bien que Mme Garneau n’ait pas réussi à remplir son fardeau de la preuve relativement à la contamination de son terrain, la responsabilité de la Ville de Victoriaville pouvait tout de même être écartée sous régime de la donation.

Les conditions d’application du régime de la donation sont prévues à l’article 1806 et suivant du Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Ainsi, une fois qu’une ville ou une municipalité se trouve dans une situation de transfert de propriété d’un bien à titre gratuit à une autre personne, elle ne doit pas répondre des vices cachés qui affectent le bien donné[2], sauf, si le préjudice porte atteinte à l’intégrité physique du donataire, si elle le savait et qu’elle ne l’a pas révélé lors de la donation[3].

Par conséquent, soyez rassurés : les villes et les municipalités ne sont pas toujours responsables des biens qu’elles offrent, tant qu’elles n’en tirent aucun avantage. En effet, la donation implique « une intention de s’appauvrir sans rien obtenir en retour, si ce n’est de s’attendre à la gratitude du donataire[4]. »