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Quand la sécurité et l’intégrité de leurs citoyens sont en danger, les municipalités doivent agir en premier

Table des matières

La saison des feux de forêt frappe de plein fouet le Québec. Quelque 478 incendies avaient été recensés en date du 27 juin 2023[1], près de 1,32 million d’hectares avaient été brûlés en zone intensive[2] et des milliers de personnes avaient été évacuées de leurs demeures.[3] Du jamais vu, selon les autorités gouvernementales[4].

Face à de tels événements plaçant la sécurité et l’intégrité de personnes et de biens en danger, quel est le devoir des municipalités ? Elles ont le devoir d’agir en premier.

Voici d’ailleurs une revue sommaire des obligations d’une municipalité en matière d’intervention en fonction de la Loi sur la sécurité civile (« LSC »)[5].

C’est la municipalité qui doit répondre en premier en cas de sinistre

La LSC est une loi impérative qui relève de l’ordre public de direction.[1] Son objet est « d’encadrer l’organisation de la sécurité civile afin d’assurer la protection des personnes et des biens contre les sinistres réels et imminents » comme le rappelle la Cour d’appel du Québec dans Québec (Procureur général) c. Côté[2].

La LSC oblige une municipalité à mettre en place des mesures de protection lorsqu’un sinistre survient ou est imminent dans tout ou une partie de son territoire[3]. C’est d’ailleurs l’interprétation de la Cour supérieure du Québec retenue dans Dubé c. Procureur général du Québec[4]. En effet, si une municipalité fait défaut ou est empêchée d’agir, il revient alors au ministère de la Sécurité publique du Québec (« MSP ») d’agir[5].

Cependant, le texte de la LSC n’impose pas d’obligations de résultat et attribue même une certaine immunité judiciaire quand une déclaration d’état d’urgence est déclarée[6].

Cela dit, une municipalité doit tout de même agir avec diligence et prendre des moyens pour assurer la protection des personnes et des biens sur son territoire : constater et évaluer le sinistre, déployer des mesures pour assurer la protection des personnes et minimiser les dommages aux biens sur son territoire et faire appel à l’état d’urgence, le cas échéant[7].

Une déclaration d’état d’urgence n’effacera pas non plus le passé, si une municipalité a fait preuve de négligence dans sa préparation et son organisation pour répondre aux risques présents et connus sur son territoire[8].

Le recours à la déclaration d’état d’urgence

Déclarer l’état d’urgence est une arme de dernier secours mise à la disposition d’une municipalité. Une municipalité peut y recourir seulement quand elle estime être incapable de répondre à un sinistre majeur réel ou imminent sur une partie ou la totalité de son territoire en fonction de ses règles de fonctionnement habituelles ou en fonction de son plan de sécurité civile[1].

La déclaration d’état d’urgence permet donc à une municipalité de déléguer, en partie ou en totalité, au maire, au maire suppléant, à un fonctionnaire ou une autorité responsable de la sécurité civile sur son territoire, certains de ses pouvoirs (la « personne désignée »), sans délai ni formalité, afin de :

  • contrôler l’accès aux voies et territoires concernés ;
  • accorder les autorisations ou dérogations dans les domaines qui relèvent de sa compétence ;
  • ordonner l’évacuation ou le confinement de personnes lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen de protection ;
  • ordonner l’hébergement, l’habillement ou le ravitaillement de personnes évacuées ou confinées, si elles n’ont pas d’autres ressources ;
  • requérir l’aide de tout citoyen ;
  • réquisitionner sur son territoire les moyens de secours et lieux d’hébergement privés nécessaires ; et
  • faire les dépenses et conclure les contrats nécessaires[2].

Faute d’obtempérer, ceux qui, notamment, gênent ou empêchent la personne désignée d’exercer ses pouvoirs, ou qui refusent d’obéir à un ordre qu’elle a le droit de donner ou qui refusent d’apporter sans motif valable l’aide ou l’assistance qu’elle peut requérir, peuvent être visés par des sanctions pénales[3].

Étant donné l’attribution exceptionnelle de ces pouvoirs, l’état d’urgence ne peut excéder cinq jours,[4] à moins que le MSP autorise sa prolongation[5].

Quant à sa forme, la résolution du conseil doit préciser la nature du sinistre, le territoire concerné, les circonstances qui la justifient et la durée de son application ».

Ces précisions permettront non seulement de bien circonscrire les pouvoirs dévolus, elles serviront également à la municipalité, aux membres de son conseil et aux personnes habilitées à agir en vertu de la déclaration d’urgence de bénéficier de l’immunité judiciaire, s’ils agissent évidemment de bonne foi[6].

L’après-sinistre

Une fois l’état d’urgence résorbé, la municipalité devra compenser ses citoyens ou les entreprises privées qui ont obtempéré aux réquisitions de biens ou de services sur la base du prix courant de location selon le prix qui existait avant le sinistre[1].

Il importe de souligner que toutes personnes mobilisées pour assister la municipalité dans le cadre de l’état d’urgence bénéficient d’une certaine exonération de responsabilité pour le préjudice qui peut résulter de leurs interventions, à moins qu’il ne s’agisse d’une faute intentionnelle ou d’une faute lourde[2].

En ce qui concerne les dommages aux biens sur son territoire, la municipalité ne serait pas tenue des dommages qu’elle aurait causés, si le sinistre les avait endommagés de toute manière.[3]

Ensuite, les personnes habilitées à agir selon la déclaration d’état d’urgence devront soumettre un rapport motivé au conseil municipal à la première séance du conseil ayant lieu après trente jours de la fin de l’état d’urgence[4]. Quant au conseil, celui-ci devra également fournir dans les six mois qui suivent la fin de l’état d’urgence un rapport d’événement à son autorité régionale compétente[5].

Enfin, le gouvernement peut ensuite établir des programmes d’aide financière ou d’indemnisation,[6] dont certains peuvent compenser les frais excédentaires entraînés dans l’exercice de pouvoirs au cours d’un état d’urgence[7].

Conclusion

Une municipalité doit activement prévenir et préparer pour les sinistres éventuels sur son territoire en vertu de la LSC puisqu’elle se trouve à agir en premier. Une municipalité doit minimalement assurer la protection des personnes et des biens sur son territoire et chercher à limiter les risques inhérents de son territoire, dont les rivières, les falaises, la faune, les activités industrielles et commerciales, les types de constructions, etc.

Quant à la déclaration d’état d’urgence, elle demeure l’exception, mais elle est un outil fort utile, car elle permet à une municipalité de répondre rapidement et efficacement à un sinistre majeur ou imminent. Ensuite, les dépenses excédentaires encourues par une municipalité dans le cours d’un état d’urgence pourront faire l’objet de programmes d’aide financière additionnels du gouvernement.

En somme, quand il y a feu dans la demeure, la municipalité ne peut se contenter de rester passive et bénéficie de larges pouvoirs pour le combattre.