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Cour suprême du Canada
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Droit du travail

L’exclusion des cadres de premier niveau du régime du code du travail déclarée constitutionnelle par la cour suprême

Table des matières

Dans l’affaire Société des casinos du Québec inc. c. Association des cadres de la Société des casinos du Québec[1], la Cour suprême s’oppose à la syndicalisation des cadres de premier niveau.

1. Saga judiciaire : retour sur les décisions antérieures

Rappelons que les faits à l’origine de cette décision découlaient du refus de la Société des casinos du Québec de reconnaître l’Association des cadres de la société des casinos du Québec (ci-après « l’Association ») comme véritable agent négociateur des cadres de premier niveau. Face à ces multiples refus, l’Association avait déposé une requête en accréditation au Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») alléguant que l’exclusion des cadres du régime d’accréditation prévue au Code du travail contrevenait à la liberté d’association de ses membres et faisait obstacle à leur pouvoir de se syndiquer. Le TAT avait retenu les prétentions de l’Association et déclaré l’exclusion au Code du travail invalide sur le plan constitutionnel. L’affaire a ensuite été portée en pourvoi dans le cadre duquel la décision du TAT avait été annulée par la Cour supérieure.

Le dossier a ensuite été entendu par la Cour d’appel qui a rétabli la décision du TAT et déclaré à son tour constitutionnellement inopérante l’exclusion des cadres à l’art. 1 l) 1 du Code du travail. La Cour d’appel a essentiellement partagé les conclusions du TAT à l’effet que plusieurs éléments du dossier pointaient vers une atteinte substantielle à la liberté d’association des cadres de premier niveau de la Société des casinos du Québec soit :

  1. L’impossibilité pour l’Association de bénéficier d’une reconnaissance véritable en raison de l’absence de liberté de choix et du manque d’indépendance qu’elle a à l’égard de la direction;
  2. Le non-accès à un mécanisme spécialisé de règlement des différends empêchant l’Association d’obtenir une juste réparation dans les cas d’ingérence de l’employeur ou de négociation de mauvaise foi;
  3. L’impossibilité d’exercer le droit de grève.

2. Décision de la cour suprême

La Cour suprême sous la plume du juge Jamal repose son analyse de la violation de l’al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés[2] (ci-après « Charte canadienne ») sur le cadre d’analyse à deux volets qu’elle a établi dans l’arrêt Dunmore c. Ontario (Procureur général)[3]. Ce cadre va comme suit :

  1. Dans un premier temps, il faut se demander si les activités en cause relèvent du champ d’application de la garantie de liberté d’association;
  2. Dans un deuxième temps, il faut se demander si l’action gouvernementale entrave par son objet ou son effet les activités protégées. L’entrave démontrée doit être substantielle.

La Cour suprême rappelle également qu’elle avait énoncé dans l’arrêt Dunmore trois facteurs permettant de délimiter la possibilité de contester une loi non inclusive suivant l’al. 2d) de la Charte canadienne. Elle précise toutefois que ces facteurs ne constituent pas un test ou un cadre d’analyse distinct, mais représentent des considérations pertinentes dans l’examen d’une revendication fondée sur l’al. 2d) de la Charte canadienne. Ces facteurs renvoient aux questions suivantes :

  1. La plainte de non-inclusion repose-t-elle sur une liberté fondamentale garantie par la Charte canadienne plutôt que sur l’accès à un régime légal précis?
  2. Le seuil de preuve requis pour démontrer une entrave à une telle liberté fondamentale a-t-il été rencontré?
  3. L’État peut-il être tenu responsable de l’incapacité du demandeur d’exercer la liberté fondamentale?

Selon la première étape du cadre d’analyse en application aux revendications de l’Association, la Cour suprême reconnaît que les revendications de l’Association portent sur des activités protégées par la liberté d’association en ce qu’elles font valoir le droit de former une association ayant suffisamment d’indépendance vis-à-vis l’employeur, le droit de présenter collectivement des revendications à l’employeur, et de voir ces revendications prises en compte de bonne foi.

Cela dit, c’est au niveau de la deuxième étape du cadre d’analyse que la Cour suprême estime que l’Association a échoué. Elle déclare que l’exclusion législative à l’art. 1 l) 1 du Code du travail n’a pas pour objet d’entraver les droits associatifs des cadres. Elle rappelle que le législateur, en opérant une distinction entre les cadres et les salariés, avait pour objectif d’éviter de placer les cadres en situation de conflit d’intérêts entre leur rôle en tant que salariés dans les négociations collectives et leur rôle de représentants de l’employeur dans le cadre de leurs responsabilités professionnelles, et de faire en sorte que les employeurs aient confiance que les cadres représenteraient leurs intérêts, et ce, tout en protégeant les intérêts communs distincts des salariés. La Cour ajoute également que l’Association n’a pas rempli son fardeau de démontrer une entrave substantielle au droit de ses membres à une négociation collective véritable ce qui fait échec à son recours.

Pour ces motifs, la Cour suprême accueille l’appel.