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Droit du travail - Bulletin 73
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Droit du travail : consultez les décisions qui ont retenu notre attention

Table des matières

Agents des services correctionnels – quelles limites à l’accident du travail attribuable à un tiers?

Dans une récente affaire, le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») a eu à se prononcer sur une demande de transfert d’imputation faite par le Ministère de la Sécurité publique, suivant un accident du travail dont deux agents des services correctionnels au service du Ministère ont été victimes[1]. L’employeur alléguait que l’accident était attribuable à un tiers, lui permettant d’obtenir un transfert du coût des prestations.

Les faits à l’origine des accidents du travail sont les suivants. Alors que les travailleurs escortaient un prisonnier en fourgon à un rendez-vous médical, un véhicule conduit par un tiers est entré en collision avec le fourgon conduit par les travailleurs. Pour chacun des travailleurs, un diagnostic de nature psychologique a été reconnu par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. L’employeur alléguait que le tiers conducteur avait eu un comportement téméraire et insouciant et qu’il était entré volontairement en collision avec le véhicule des travailleurs, ce qui ne faisait pas partie des risques inhérents à l’emploi d’agent des services correctionnels.

Dans le cadre de son analyse, le juge administratif reconnaît d’abord, en application des critères prévus à l’article 326 alinéa 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, que les travailleurs ont été victimes d’un accident du travail qui est majoritairement attribuable à un tiers. Le litige portait seulement sur l’effet injuste de l’imputation.

Rappelant les critères en cette matière, le juge administratif énonce qu’il revient à l’employeur de démontrer que l’accident du travail ne constituait pas un risque inhérent aux activités de l’employeur ou qu’il est survenu dans une situation extraordinaire, inusitée, rare ou exceptionnelle. En raison de divers motifs, le TAT conclut que l’employeur n’a pas démontré les éléments constitutifs lui permettant d’obtenir un transfert d’imputation des coûts.

D’abord, le TAT retient, à partir de la preuve déposée, que les déplacements à l’aide d’un fourgon pour transporter les détenus à des rendez-vous médicaux sont au cœur des fonctions des deux travailleurs. D’ailleurs, la preuve est à l’effet qu’à la suite de l’accident, les travailleurs sont sortis du véhicule et ont procédé à l’arrestation du tiers conducteur.

De même, la preuve ne démontrait pas la présence d’un acte criminel. Les policiers ont plutôt remis au tiers un constat d’infraction conformément au Code de la sécurité routière pour conduite dangereuse et celui-ci n’a pas fait l’objet d’accusations criminelles. Pour le juge administratif, cette distinction apparaît essentielle.

Au surplus, le juge administratif précise qu’un accident de la route fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, considérant que les travailleurs avaient pour fonction de transporter des détenus dans un fourgon.

Il ajoute que, considérant le domaine particulier dans lequel les travailleurs effectuent leur prestation de travail, le fait d’être confronté à un acte criminel ne donne pas nécessairement lieu à une situation d’injustice. Le juge administratif précise d’ailleurs ne pas souscrire au courant jurisprudentiel voulant que toute lésion professionnelle résultant d’un acte criminel donne lieu à une situation d’injustice justifiant un transfert d’imputation.

Suivant tout ce qui précède, le TAT rejette la contestation de l’employeur.

Chute sur la voie publique après la fin d’un quart de travail : accident du travail ou non?

Dans cette affaire[2], le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») rejette la contestation de la travailleuse et conclut que cette dernière, en chutant sur la voie publique où était stationnée sa voiture après la fin de son quart de travail, n’a pas subi un accident du travail. En effet, la chute ayant causé une entorse à la cheville droite n’est pas survenue « à l’occasion de son travail » au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] et de la jurisprudence.

Dans son analyse, le TAT note d’abord que pour déterminer si la travailleuse a subi un accident du travail, il faut évaluer si la chute est survenue « à l’occasion de son travail ». Le TAT écrit que pour trancher cette question, il faut soupeser les différents critères d’analyse élaborés par la jurisprudence, à savoir : le lieu et le moment de l’évènement, la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’accident, le degré de contrôle de l’employeur lorsque l’évènement ne survient pas sur les lieux ou durant les heures de travail, la finalité de l’activité exercée au moment de l’évènement ainsi que le caractère de connexité ou d’utilité relatif de l’activité exercée au moment de l’accident en regard de l’accomplissement du travail.

Écrivant que ce sont les critères concernant le lieu de l’évènement et le caractère de connexité ou d’utilité de l’activité qui sont déterminants en l’espèce, le TAT se penche d’abord sur le lieu de l’évènement. Le TAT note qu’en l’espèce, l’endroit où est survenue la chute, soit dans la rue, « n’est pas immédiatement adjacent à la porte d’entrée de l’établissement [de l’employeur] ni à son terrain, mais qu’il s’agit d’une voie publique séparée par un trottoir appartenant également à la ville »[4]. Le TAT ajoute qu’à la lumière de la preuve, « la voie publique [où est survenue la chute] ne doit pas nécessairement être empruntée par la travailleuse pour accéder à la porte de l’établissement [de l’employeur], mais qu’il relève d’un choix personnel de la travailleuse de se stationner désormais sur cette rue »[5] plutôt que dans le stationnement de l’employeur.

Également, le TAT écrit que l’absence d’interdiction de l’employeur de se stationner sur la voie publique où la chute est survenue « n’avait pas pour effet de conférer au trajet menant de l’établissement [de l’employeur] à cet espace, le statut de « voie d’accès » »[6]. Ainsi, concernant le critère du lieu de l’évènement, le TAT conclut que l’ « évènement doit être considéré comme un « accident de trajet » au sens de la jurisprudence »[7].

Enfin, le TAT se penche sur le critère de connexité ou d’utilité de l’activité exercée au moment de l’évènement. Il rejette la prétention de la travailleuse voulant que l’accident soit connexe au travail du fait qu’il est survenu dans les minutes suivant la fin de son quart de travail, écrivant que « [l]e fait que l’événement survienne dans un délai raisonnable de la fin du quart de travail ne le rend pas automatiquement connexe au travail étant donné qu’il n’est pas survenu dans les voies d’accès à l’établissement »[8].

Pour ces motifs, le TAT rejette la contestation de la travailleuse, déclarant ainsi que la chute de cette dernière ne constitue pas un accident du travail.

Deux employés détenteurs d’un poste compris dans l’unité de négociation en sont exclus puisqu’ils occupent un poste de cadre par intérim

Dans l’affaire Centre universitaire de santé McGill[9], le litige opposant l’employeur et le syndicat prenait appui sur l’article 39 du Code du travail. Le syndicat a demandé au Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») de déclarer que deux employés occupant des postes de chef de secteur par intérim au Service hygiène et salubrité du CUSM, mais détenant un poste de préposé à l’entretien ménager à temps complet depuis plusieurs années, n’étaient pas des salariés au sens du Code et devaient être exclus de cette unité de négociation.

Les parties ont convenu que les postes de chef de secteur visés en l’espèce ont des attributs de représentant de l’employeur qui font en sorte d’exclure leurs détenteurs de la définition de « salarié » prévue au Code.

Cependant, dans son argumentation, l’employeur a plaidé que les deux employés doivent demeurer visés par l’unité de négociation tant qu’ils détiennent leur poste de préposé visé par celle-ci, car ils exercent leur fonction de cadre par intérim de manière « successive » et non simultanée.

Après avoir déterminé qu’il disposait de la compétence pour se saisir de la question posée, le TAT a conclu contrairement à la prétention de l’employeur que, tant que les deux employés détenteurs d’un poste visé par l’unité de négociation occupent dans les faits et de façon exclusive un poste de cadre par intérim, ils ne sont pas compris dans cette unité, car ils ne sont alors que des représentants de l’employeur.

En effet, la juge administrative mentionne que la preuve n’établit pas que les employés exercent leur fonction de préposé salarié et celle de cadre par intérim de manière successive. Elle indique plutôt qu’ils ont travaillé comme préposé avant d’être nommés chefs de secteur par intérim. Depuis, ils n’exercent que cette fonction de cadre.

Dans ces circonstances, le TAT a déclaré que tant et aussi longtemps qu’ils exercent exclusivement la fonction de chef de secteur par intérim, les employés ne sont pas compris dans l’unité de négociation représentée par le syndicat.

Indemnité kilométrique ne peut être considérée dans le calcul de l’indemnité de congé annuel

Dans une récente affaire[10], le tribunal d’arbitrage était saisi de griefs portant sur l’interprétation de la clause 26.02 de la convention collective concernant le congé annuel, stipulant que le salarié ayant moins d’un an d’ancienneté cumule un certain nombre de jours « rémunérés à raison de quatre pour cent (4 %) des gains totaux accumulés au cours de la période de référence ».

Le syndicat soutenait qu’en vertu de cette clause, l’employeur devait inclure l’indemnité kilométrique leur étant versée pour le déplacement de leur domicile vers l’usine. En effet, les parties avaient convenu par lettre d’entente que l’employeur paierait le coût de l’abonnement des salariés admissibles au service de transport en commun et, pour ceux ne pouvant bénéficier de ce service en raison de leur horaire, qu’il verserait une indemnité kilométrique sur chaque paie.

Le tribunal analyse la notion de « gains totaux », laquelle n’est pas définie à la convention collective. Premièrement, il se base sur le sens habituel du terme « gain », soit un bénéfice financier, une somme d’argent que l’on gagne. Deuxièmement, le tribunal constate que la notion de « gain » est prévue à un seul autre endroit dans la convention collective, référant manifestement à du salaire. Il conclut de son analyse que les « gains totaux » sur lesquels se base le taux applicable pour la rémunération du congé annuel doivent provenir globalement du paiement de la prestation de travail.

Or, cette indemnité kilométrique ne peut être considérée comme découlant de la prestation de travail, comme ce serait le cas par exemple pour une prime de nuit ou des bonis. Comme le télétravail n’est pas possible dans le type d’industrie en l’espèce, tous les salariés doivent se déplacer pour aller travailler à l’usine. La règle habituelle est que le salarié assume les frais de déplacement de son domicile au lieu de travail et c’est vraiment en raison d’un cas particulier que certains bénéficient de cet avantage.

De plus, la preuve a démontré que l’employeur adopte le même processus pour tous les salariés et n’inclut pas le coût des abonnements au transport en commun dans les gains pour le calcul de l’indemnité de congé annuel. Le tribunal retient qu’il n’y a pas davantage lieu d’inclure l’indemnité kilométrique.

Pour ces motifs, le tribunal rejette les griefs.