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Droit du travail
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Droit du travail et de l’emploi – Août 2021

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Table des matières

Avis de consultation et prescription

Dans une récente décision[1], la Cour d’appel a eu à déterminer si un avis de consultation transmis par un employeur afin de réclamer des sommes versées en trop à un salarié interrompait la prescription de six mois de l’article 71 du Code du travail[2] (ci-après « Ct »).

Lors de la grève des avocats de l’État qui s’est déroulée du 24 octobre 2016 au 28 février 2017, l’employeur a versé du salaire en trop à un employé. Il a eu connaissance de la situation le 10 novembre 2016.

La convention collective prévoyait qu’avant de réclamer des sommes versées en trop à un juriste, celui-ci devait être consulté sur le mode de remboursement. Suivant cette disposition, l’employeur a transmis un avis de consultation daté du 18 avril 2017, puis a commencé à retenir des sommes à compter de juin 2017. Le salarié a déposé un grief soulevant divers motifs, notamment, la prescription du recours de l’employeur. Il s’agissait donc de déterminer si l’avis de consultation transmis par l’employeur, et dans lequel il indiquait le montant réclamé et où il donnait un délai au juriste pour décider du mode de remboursement, avait eu pour effet d’interrompe le délai de prescription de six mois (71 Ct).

Dans sa décision, l’arbitre considère que le dépôt de l’avis de consultation suspend indéfiniment la prescription, puisqu’il s’agit du point de départ de la mécanique de récupération des sommes, laquelle ne doit pas nécessairement se faire dans un délai de six mois. Ainsi, le dépôt d’un avis de consultation suspend la prescription de manière indéfinie. Une demande de pourvoi en contrôle judiciaire a été déposée et a été rejetée[3].

En appel, Les avocats et notaires de l’État québécois plaidaient que seul le recours à la procédure du grief pouvait interrompre légalement le délai de prescription prévu à l’article 71 Ct. Ainsi, l’appelante plaidait que l’avis de consultation ne pouvait interrompre la prescription au sens de cet article.

La Cour d’appel a confirmé la décision arbitrale et a conclu que l’avis de consultation interrompait la prescription, comme le ferait le dépôt d’un grief. En effet, la procédure de récupération était expressément prévue à la convention collective et l’avis de consultation était une étape obligatoire afin de réclamer ces sommes.

Congés pour obligations familiales – Qu’en est-il?

Récemment, la Cour supérieure a eu à se prononcer, dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire, sur la raisonnabilité d’une sentence arbitrale rendue par Me Martin Racine[1]. Dans sa décision, l’arbitre devait interpréter les articles 79.7 et 79.16 de la Loi sur les normes du travail[2] (ci-après « LNT »).

Depuis le 1er janvier 2019, ces dispositions prévoient qu’un salarié peut s’absenter 10 jours par année pour remplir des obligations familiales ou pour maladie et qu’il a droit d’être rémunéré pour les deux premières journées prises, après trois mois de service continu. Avant l’adoption de ces modifications, aucune rémunération n’était donnée pour ces journées d’absence.

Dans le cas particulier que l’arbitre Racine devait trancher, le syndicat a déposé un grief suite au refus de l’employeur de rémunérer certains salariés pour des journées de congé prises pour remplir des obligations familiales. Ceux-ci demandaient à être rémunérés en fonction des nouvelles dispositions de la LNT. L’arbitre devait donc analyser si la convention collective en vigueur entre les parties était plus avantageuse que la LNT et si elle contenait au moins deux journées d’absence rémunérées conformément aux amendements. À ce titre, la convention collective comportait une clause prévoyant des journées de congés mobiles qui, selon la preuve, pouvaient être prises pour n’importe quel motif.

Malgré tout, l’arbitre accueille en partie le grief et retient qu’un salarié qui aurait utilisé l’ensemble de ses congés mobiles pour des raisons personnelles autres que la maladie et les obligations familiales serait susceptible de ne plus pouvoir être rémunéré s’il s’absente pour maladie ou pour obligations familiales. Ceci, selon l’arbitre, allait à l’encontre de la LNT.

Il a accueilli le grief en partie et a déclaré que l’employeur devait rémunérer au moins deux journées d’absence par année, pour obligations familiales ou maladie, même dans le cas où les congés mobiles prévus à la convention collective avaient déjà été entièrement utilisés pour d’autres motifs.

L’employeur a déposé une demande de pourvoi en contrôle judiciaire afin de contester cette décision[3]. Le 12 juillet dernier, l’honorable Claudia P. Prémont, j.c.s., a rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire et a confirmé la décision de l’arbitre, estimant que celle-ci était raisonnable.

Congédiement confirmé pour une absence de trois jours consécutifs non justifiée

Dans l‘affaire Syndicat national des employés de garage du Québec inc. et Duval Mercedes-Benz[1], l’arbitre Rivest devait se prononcer sur le congédiement imposé à un technicien en mécanique automobile au terme d’une absence de plus de trois jours sans raison valable ni avis.

La convention collective comportait une clause prévoyant plusieurs circonstances où le salarié perd ses droits d’ancienneté et son emploi, dont une absence pour une période de trois jours consécutifs sans raison valable ou avis. L’arbitre souligne que l’employeur a d’abord le fardeau d’établir l’absence du salarié et de démontrer qu’il n’a pas reçu d’avis ou de raisons valables pour cette période. Il appartient ensuite au salarié de fournir les explications et démontrer qu’il lui était impossible de donner les raisons valables ou avis à l’employeur. Ici, le salarié était en arrêt de travail depuis le mois d’août 2017 puisqu’il souffrait d’un trouble d’adaptation.

Toutefois, depuis le mois de juin 2018, l’absence du travailleur n’est validée par aucun certificat médical supplémentaire. L’employeur lui a donné un ultimatum demandant au salarié de lui remettre un certificat médical indiquant la durée de l’arrêt de travail et un diagnostic au plus tard le 20 septembre 2018. Malgré cela, l’absence du salarié s’est prolongée au-delà du délai accordé par l’employeur, et ce, sans justification et pour cinq journées ouvrables consécutives. L’employeur a alors procédé au congédiement du salarié en conformité avec la clause de la convention collective.

L’arbitre, dans son analyse, insiste sur la condition médicale du salarié, et la distinction à faire entre une condition médicale rendant inapte au travail, et une condition médicale empêchant le salarié de fournir à l’employeur les informations demandées. Or, bien que le salarié ait réussi à établir qu’au moment des faits, il était inapte au travail, sa condition médicale ne l’empêchait pas de fournir à l’employeur les informations demandées.

L’absence du salarié était donc sans motif, et la clause de perte d’emploi s’appliquait. L’arbitre rejette donc le grief et confirme le congédiement.

La politique sur la tenue vestimentaire et le respect des droits fondamentaux

Dans l‘affaire Syndicat des travailleurs des services funéraires Dignité et Collins Clarke (CSI)[1], l’arbitre Garzouzi devait déterminer si l’employeur, un fournisseur de services funéraires, pouvait exiger que les tatouages et les piercings apparents soient dissimulés par les employés qui ont un contact régulier avec la clientèle, conformément à sa politique de travail.

Un premier grief contestait un avis écrit remis à un travailleur s’étant fait percer le nez et portant un bijou en diamant dans la narine gauche, en contravention aux règles de l’entreprise en regard du code vestimentaire. Un deuxième grief contestait la directive émise par l’employeur exigeant qu’une travailleuse doive porter des gants afin de couvrir ses tatouages sur les mains lorsqu’elle rencontre des clients.

Les griefs avaient pour fondement la liberté d’expression ainsi que le droit à la vie privée des deux salariés. L’employeur, pour sa part, argumentait que l’atteinte aux droits fondamentaux est l’expression légitime de son droit de direction et qu’elle est nécessaire à la saine administration de son entreprise.

L’arbitre Garzouzi s’attarde alors aux objectifs poursuivis par les règles contestées. La preuve patronale est à l’effet que les règles sur la tenue vestimentaire et l’image corporelle furent adoptées afin de guider et soutenir les familles en deuil, d’accorder une importance à chaque détail, projeter une image sobre et neutre, offrir un décorum solennel et s’assurer d’une cohérence entre l’image projetée et les services offerts à la clientèle issue de différentes religions et cultures. Ces objectifs semblent légitimes pour le syndicat, toutefois, ce dernier allègue qu’il n’y a pas de lien rationnel entre les restrictions imposées et les objectifs poursuivis par l’employeur.

Le Tribunal retient la prétention du syndicat et considère qu’il n’y a pas de preuve permettant de conclure dans le contexte qu’il y a un lien rationnel entre l’exposition à un tatouage ou un piercing pendant des funérailles et la survenance d’un malaise chez un client. Il faut une preuve directe et claire pour convaincre le Tribunal que cette façon de s’exprimer génère une appréhension ou un malaise chez la clientèle, une simple impression ou une opinion basée sur une perception n’étant pas suffisantes.

Les griefs sont alors accueillis et l’arbitre souligne que les règles sur la tenue vestimentaire et l’image corporelle doivent évoluer avec notre époque et s’adapter au contexte actuel dans le respect des droits et libertés des salariés.

Destitution déguisée d’un cadre policier

Dans l’affaire Lamothe c. Ville de Montréal[1], la Cour du Québec était saisie d’un recours fondé sur les articles 87 et suivants de la Loi sur la police. Le demandeur, un ancien directeur adjoint du Service de police de la Ville de Montréal (ci-après « SPVM »), alléguait notamment avoir fait l’objet d’une destitution déguisée et demandait à être réintégré à un poste de direction au sein de l’organisation.

La preuve démontrait que le demandeur avait fait l’objet d’une enquête criminelle et disciplinaire dans la foulée de la crise ayant secoué la haute direction du SPVM en 2017. Il avait été suspendu de ses fonctions par son employeur et avait ensuite été complètement blanchi de toutes allégations. Le demandeur n’avait toutefois pas été réintégré dans ses fonctions malgré l’absence de reproches pouvant lui être adressés.

La Ville de Montréal plaidait que la nomination d’une personne à un poste d’importance au sein d’un corps de police relève d’un important pouvoir discrétionnaire. Elle avançait ainsi que la non-réintégration du demandeur était justifiée par le désir de l’organisation de se détacher entièrement de la haute direction en place lors de la crise de 2017. Or, la preuve démontrait qu’un membre de la haute direction présente en 2017 s’était pourtant vu offrir un poste parmi la nouvelle direction du SPVM, contrairement au sort réservé au demandeur. La Cour du Québec a donc conclu que la Ville de Montréal ne pouvait affirmer vouloir se dissocier de l’ancienne administration pour justifier la non-réintégration du demandeur. Elle a également déterminé que le dossier du demandeur était exemplaire et qu’aucun élément objectif ne permettait de soutenir l’argument soulevé par la Ville de Montréal voulant que ce dernier présentait des lacunes au niveau de ses habilitées en matière de relations interpersonnelles.

La Cour du Québec a ensuite analysé les démarches entreprises par la Ville de Montréal, qui avait tenté de relocaliser le demandeur dans des postes ailleurs qu’au SPVM. À cet égard, la Ville de Montréal alléguait que le demandeur avait fait preuve d’obstination en refusant les options qu’elle lui avait proposées. Or, la Cour du Québec a conclu que le demandeur n’était pas forcé d’accepter de tels compromis qui équivalaient à une réduction substantielle de ses conditions de travail. Il a donc été déterminé que le demandeur avait fait l’objet d’une destitution déguisée en se voyant notamment offrir des emplois dépourvus de pouvoir décisionnel.

Selon la Cour du Québec, la Ville de Montréal a donc échoué à démontrer que la destitution du demandeur avait été faite pour cause. Par ailleurs, elle a refusé d’ordonner la réintégration du demandeur dans un poste de direction au SPVM, considérant que la Loi sur la police ne lui accorde pas un tel pouvoir. Il était en preuve que tous les postes de direction étaient comblés parmi la haute direction de l’organisation.

Octroi d’un poste au « meilleur candidat possible »

Dans l’affaire Unifor, section locale 136 c. Kruger inc.[1], le syndicat prétendait qu’un poste d’électrotechnicien/informatique nouvellement affiché aurait dû être octroyé au plaignant.

L’arbitre devait statuer si l’employeur avait contrevenu à l’entente entre les parties à l’effet que le poste serait offert « à l’interne et à l’externe afin de trouver le meilleur candidat possible ».

Premièrement, le syndicat prétendait que l’employeur avait d’entrée de jeu écarté le plaignant, puisqu’il voulait revamper l’informatique et que le plaignant était associé au passé. À cet égard, l’arbitre conclut que l’employeur peut vérifier dans quelle mesure un candidat adhère à sa vision et, à défaut, ne pas le considérer comme étant le meilleur candidat possible. Or, la preuve a révélé que, bien que le plaignant ait été informé en début d’entrevue des attentes de l’employeur, ses réponses avaient été décevantes.

Deuxièmement, le syndicat plaidait que le plaignant était le candidat à privilégier, puisqu’il effectuait des tâches semblables depuis plusieurs années. L’arbitre rejette cet argument, puisque les parties ont délibérément choisi de ne pas considérer l’ancienneté comme étant un critère.

Bien que le plaignant possédait les mêmes compétences que les autres titulaires sur le plan technique, il ne s’est pas révélé « le meilleur possible » sur le plan des autres exigences, à savoir : dynamique, autonome, habilité à faire face aux changements, être reconnu comme étant un leader positif.

L’arbitre conclut que l’entrevue comportait suffisamment de garanties de fiabilité pour ne pas être qualifiée d’abusive, d’arbitraire ou de discriminatoire.

L’arbitre rejette le grief.