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Droit du travail

Droit du travail : consultez les décisions qui ont retenu notre attention

Table des matières

Lisez la sélection des décisions récentes et importantes en droit du travail préparée par les avocates et les avocats de Bélanger Sauvé.

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL CONCLUT QUE L’IMPLANTATION UNILATÉRALE D’UNE POLITIQUE DE TÉLÉTRAVAIL NE CONSTITUE PAS UNE ENTRAVE AUX ACTIVITÉS SYNDICALES

Dans l’affaire Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) c. Autorité des marchés financiers[1], le syndicat a déposé une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail[2] (ci-après « Code ») pour entrave aux activités syndicales.

Essentiellement, le syndicat contestait l’implantation unilatérale par l’employeur de sa politique relative au télétravail, visant à intégrer cette pratique dans un mode hybride. Le syndicat reprochait également à l’employeur d’avoir fait parvenir aux employés un communiqué expliquant la proposition qu’il lui avait soumise relativement à un nouvel aménagement du temps de travail. De son côté, l’employeur soutenait que le télétravail constitue un mode d’organisation du travail relevant de son droit de gestion et que c’est dans un esprit de collaboration qu’il avait consulté le syndicat et requis ses commentaires.

Les questions auxquelles le tribunal était appelé à se prononcer étaient les suivantes :

  1. En implantant unilatéralement une politique de télétravail sans en négocier les modalités, l’employeur a-t-il entravé les activités du syndicat?
  2. Par son communiqué, l’employeur a-t-il fait fi du monopole de représentation du syndicat, entravant ainsi ses activités?

Premièrement, le tribunal souligne qu’il ne lui appartient pas de déterminer si la politique de télétravail relève du droit de gérance ou si, au contraire, elle établit ou modifie les conditions de travail, cela relevant du ressort exclusif de l’arbitre de griefs. Cela dit, le tribunal conclut que, même en retenant que la politique touche aux conditions de travail, la position de l’employeur sur cette question est défendable et a été soutenue de bonne foi. Ainsi, le tribunal n’a pas décelé dans la conduite de l’employeur une motivation antisyndicale cherchant à discréditer le syndicat ou encore une intention visant à affaiblir son rapport de force et à entraver ses activités essentielles. Par conséquent, elle ne peut être assimilée à un acte d’imprudence grave ou un à geste délibéré pour porter atteinte au monopole de représentation du syndicat.

Deuxièmement, le tribunal est d’avis qu’il en va de même quant au communiqué. En effet, l’employeur n’a fait qu’expliquer la formule d’aménagement du temps de travail. Il s’agissait essentiellement d’un exposé factuel, objectif et exact de la proposition soumise aux différents syndicats. Ce document était exempt de menaces ou de promesses et avait comme seul objectif d’éclairer les employés et de dissiper la confusion. Le tribunal conclut qu’il n’y a pas de preuve que la représentation syndicale puisse avoir été minée par les communications de l’employeur ni d’une quelconque intention de ce dernier d’ignorer le syndicat, de le contourner ou encore d’entraver ses activités. Le tribunal conclut que l’employeur, en recourant à son droit constitutionnel de s’exprimer librement, a respecté les contours du corridor étroit que lui impose l’article 12 du Code. Il n’a pas franchi la délicate ligne entre l’exercice de la liberté d’expression et l’interdiction d’ingérence.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal a rejeté les deux plaintes du syndicat.

L’EXCLUSION D’UNE PRIME DE RÉTENTION DE L’INDEMNITÉ VERSÉE À DES SALARIÉES EN CONGÉ DE MATERNITÉ CONSTITUE UNE MESURE DISCRIMINATOIRE

Dans l’affaire Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux c. Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue[1], le syndicat contestait le refus de l’employeur de considérer la prime de rétention des psychologues lors du calcul de l’indemnité versée à la salariée en congé de maternité. Il était admis que la méthode de calcul appliquée par l’employeur était pourtant conforme aux dispositions conventionnelles négociées entre les parties. Le syndicat alléguait cependant que l’exclusion de la prime de rétention dans le cadre d’un congé de maternité constituait une condition de travail discriminatoire au sens de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (ci-après « Charte »).

L’arbitre saisi du grief avait donc à déterminer si la méthode de calcul prévue à la convention collective constituait une discrimination prohibée en vertu de la Charte. Ce dernier rappelait d’abord qu’il appartenait au syndicat de démontrer une distinction, exclusion ou préférence fondée sur un motif protégé par la Charte qui a pour effet de détruire ou compromettre le droit à l’égalité des salariées en congé de maternité.

La preuve démontrait que la convention collective permettait l’inclusion de la prime de rétention lorsqu’une indemnité était versée en lien avec des absences pour d’autres motifs que la maternité, telles que les congés de maladie, les libérations syndicales et les congés spéciaux. L’arbitre retenait ainsi qu’il existait une distinction entre les salariées en congé de maternité et les salariés absents du travail pour d’autres motifs puisque ces derniers avaient droit à l’inclusion de la prime de rétention. Ce dernier rappelait que les tribunaux ont reconnu qu’une salariée qui subit une distinction préjudiciable du fait qu’elle est congé de maternité peut invoquer à la fois une discrimination fondée sur le sexe et la grossesse.

Il a ainsi été reconnu que l’exclusion de la prime constituait une contravention aux droits à l’égalité des salariées en congé de maternité alors qu’elles auraient pu obtenir une indemnité supérieure si leur absence du travail découlait d’un autre type de congé. L’arbitre concluait que les salariées en congé de maternité avaient subi une entrave à leurs droits de bénéficier de conditions de travail exemptes de discrimination. Il ajoutait que la clause conventionnelle prévoyant l’exclusion de la prime de rétention avait compromis leur droit à l’égalité impliquant qu’un acte juridique ne comporte pas de clause discriminatoire.

Le grief a été accueilli pour ces motifs.

UN CONGÉDIEMENT IMPOSÉ POUR AVOIR TENU DES PROPOS INACCEPTABLES ENVERS UN SUPÉRIEUR EST CONFIRMÉ

Dans l’affaire Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), section locale 1660 c. ABB inc.[1], le plaignant contestait un congédiement lui ayant été imposé en raison de son attitude à l’endroit de son supérieur lors d’une rencontre. Il est à noter que le plaignant contestait également un avis écrit imposé en raison de son rendement insuffisant.

L’employeur prétendait que le plaignant avait proféré des menaces de mort et tenu des propos inacceptables à l’endroit de son supérieur ce qui justifiait l’imposition d’un congédiement. Le syndicat prétendait quant à lui que le plaignant n’avait commis aucune faute et que l’enregistrement de la rencontre disciplinaire ne démontrait aucune menace proférée ou aucun propos inacceptable.

En lien avec le congédiement, l’arbitre conclut que l’employeur n’a pas été en mesure de remplir son fardeau de preuve quant aux menaces de mort. Il rappelle que de telles menaces doivent laisser présumer une atteinte à la vie ou une intention de causer des lésions corporelles graves, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. L’arbitre estime que les propos « tu vas le payer », bien qu’ils laissent sous-entendre une intention de s’en prendre physiquement à une personne, ne vont pas jusqu’à inférer une intention de causer la mort ou d’infliger de graves blessures.

Quant aux propos inacceptables, l’arbitre rejette d’abord les prétentions du syndicat selon lesquelles de tels propos renvoient à des termes injurieux, discriminatoires ou diffamatoires. Une telle définition est trop restrictive. Ainsi, des propos violents ou encore des menaces sont certainement inacceptables en milieu de travail. Dans la présente affaire, bien que les propos du plaignant ne constituaient pas des menaces de mort, ils étaient inacceptables. Le fait d’invoquer la vengeance par intervention divine ou encore répéter les propos « tu vas le payer » à son supérieur dénotent une intention hostile qui vise à intimider. Après analyse des facteurs aggravants et atténuants, l’arbitre est d’avis que le congédiement était raisonnable dans les circonstances. Il relève plusieurs facteurs aggravants : la victime est un supérieur, les conséquences psychologiques sur la victime, l’absence de remords et le risque élevé de récidive.

Pour ces motifs, le grief est rejeté.

LES MENACES DE DÉMISSIONNER EN BLOC CONSIDÉRÉES COMME ÉTANT DES MOYENS DE PRESSION ILLÉGAUX

Dans l’affaire Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centredu-Québec c. FIQ – Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centredu-Québec[1], le tribunal devait déterminer s’il devait intervenir en redressement en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés aux articles 111.16 et suivants du Code du travail[2] (ci-après « Code »).

L’employeur alléguait que le syndicat et ses membres exerçaient des moyens de pression illégaux après qu’il ait pris la décision de modifier les horaires de travail du personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires. À titre d’exemple, certaines entrées informatiques qui permettaient entre autres de déterminer le nombre de patients et de gérer les départs n’étaient plus effectuées. Cela dit, le moyen de pression principal consistait en la menace des salariés de démissionner en bloc.

Il est à préciser que le droit de grève n’était pas acquis au moment de la demande de l’employeur, la convention collective n’étant pas échue. Le tribunal souligne que les dispositions applicables du Code laissent peu de latitude aux associations ainsi qu’à leurs membres dans le domaine des services publics et des secteurs publics et parapublics afin de leur permettre d’exercer des moyens de pression.

Le tribunal poursuit son analyse en analysant les trois critères devant être présents afin de lui permettre d’intervenir. D’abord, il conclut à la présence d’un conflit entre les parties, lequel était par ailleurs admis par celles-ci. Ensuite, il conclut à la présence d’une action concertée de la part du syndicat. En effet, les salariés n’ont pas agi ici sur une base individuelle, mais bien collective, ce qui n’était pas non plus nié par les parties en l’espèce.

Enfin, quant au critère du préjudice ou risque vraisemblable de préjudice, le tribunal précise qu’il doit décider ici de « l’existence d’un préjudice à un service auquel la population a droit ou même de la vraisemblance d’un tel préjudice », sans avoir à se demander si l’action concertée est susceptible de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population. Il confirme à cet effet que le refus d’inscrire des données dans le système peut vraisemblablement porter préjudice à un service auquel la population a droit, ceci pouvant avoir un impact sur le délai d’attente d’un patient ainsi que sur la nature et le niveau des soins requis par ce dernier.

En ce qui concerne la menace de démission en bloc, le syndicat plaidait entre autres que, si le tribunal devait rendre une ordonnance interdisant aux salariés de démissionner, cela constituerait une atteinte à leur droit à la vie privée. En effet, une démission individuelle, réelle, libre, volontaire et définitive relève de la vie privée et ne peut être interdite. Or, le tribunal estime que, bien que les démissions en l’espèce aient été signées individuellement, il n’en demeure pas moins que l’effet recherché par celles-ci découlait des conséquences du fait qu’elles soient remises en bloc. Ainsi, elles constituent une action concertée. Le tribunal ajoute que ce moyen prenait plutôt les apparences d’une grève déguisée.

Pour ces motifs, le tribunal a déclaré que les moyens pris par le syndicat et ses membres contrevenaient à l’article 111.17 du Code et, par conséquent, a rendu les ordonnances demandées par l’employeur.

LA RÉDUCTION DES ANNÉES D’EXPÉRIENCE REQUISES POUR SE QUALIFIER AU POSTE N’A PAS ENTRAÎNÉ UNE « RÉDUCTION DE TRAITEMENT » AU SENS DE LA LOI SUR LES CITÉS ET VILLES

Dans l’affaire Crevier c. Ville de Drummondville[1], le tribunal était appelé à statuer sur la plainte d’un fonctionnaire municipal qui prétendait que le fait de diminuer le nombre d’années d’expérience requises à l’obtention de son poste entraînait une réduction de traitement au sens de l’article 72 de la Loi sur les cités et villes[2] (ci-après « Loi »).

Selon lui, cette réduction avait pour seul objectif de diminuer le pointage de son emploi et le priver du même traitement que les autres chefs de division des travaux publics. Il s’agissait ainsi d’une réduction de traitement déguisée qui nuirait éventuellement à la détermination de son classement salarial.

Le tribunal devait donc déterminer si l’employeur avait imposé une réduction de traitement. Il souligne que les motifs donnant ouverture à ce recours doivent être interprétés de façon large et libérale. Le terme « réduction » vise non seulement la diminution immédiate du salaire, mais également le gel salarial privant un fonctionnaire des augmentations octroyées aux autres employés puisqu’il conduira éventuellement à une diminution de traitement. Il en est de même pour le refus d’accorder un boni de rendement prévu à la politique de rémunération ou de donner suite à des promesses ou engagements de hausser le traitement d’un salarié.

Cependant, dans la présente affaire, le résultat de la demande de réévaluation d’emploi n’a changé ni la classification ni la rémunération du plaignant. En effet, il demeure visé par la même classe d’emploi et continue de recevoir une rémunération correspondante au maximum de l’échelle salariale. Aussi, cette échelle est bonifiée chaque année grâce aux augmentations annuelles des salaires dont le plaignant bénéficie également. Le tribunal conclut donc que le plaignant n’a pas été visé par un gel de salaire.

Par ailleurs, rien n’indique que la réévaluation produira une telle diminution à l’avenir. La crainte du plaignant à cet égard repose plutôt sur des faits non avérés. Or, le tribunal ne peut se saisir d’un recours fondé sur un scénario hypothétique.

Quant à l’argument du plaignant quant à la disparité salariale entre sa rémunération et celle des autres chefs de division, le tribunal accueille une objection formulée par l’employeur sur la base de la pertinence.

Pour ces motifs, le tribunal conclut que l’employeur n’a pas imposé une réduction de traitement au plaignant et rejette la plainte.