Fermer
Recherche:
Actualités
Administratif
Municipal

Droit Municipal – Mars 2021

Table des matières

L’exclusion d’inscription au rôle des systèmes mixtes en matière de production industrielle selon la règle du normalement nécessaire: la Cour du Québec se prononce

Dans un jugement étoffé1, l’Honorable Richard P. Daoust a apporté un éclairage significatif à l’amendement de 2011 relatif au quatrième alinéa de l’article 65 LFM2 concernant les systèmes dits « mixtes » servant partiellement à la production industrielle :

Lorsqu’un tel système n’entre que partiellement dans le champ d’application du paragraphe 1º ou 1.1º du premier alinéa et qu’il est notamment destiné à l’éclairage, au chauffage, à la climatisation, à la ventilation, à l’alimentation en eau ou à l’évacuation des eaux d’une construction visée au paragraphe 1º du deuxième alinéa, est exclue du rôle la partie de ce système qui entre dans ce champ d’application et qui excède ce qui serait normalement nécessaire pour le maintien en bon état de la construction et pour l’occupation de celle-ci par des personnes.

Avant l’amendement, de tels systèmes étaient exclus du rôle s’ils servaient principalement et de façon active, à la production industrielle. La règle du principalement ayant donné des résultats surprenants dans certaines décisions des tribunaux, les travaux parlementaires permettent de croire que le législateur a cru bon intervenir pour corriger la situation. Brièvement, la règle du principalement, aussi dite du tout ou rien, avait fait en sorte dans une certaine affaire qu’il y avait eu exclusion totale des systèmes mécanique et électrique qui servaient aussi aux occupants.

L’amendement de 2011, substituait ainsi la règle du tout ou rien à celle du normalement nécessaire pour le maintien en bon état de la construction et l’occupation par des personnes de celle-ci.

Avec égard, se fondant sur une lecture créatrice de l’amendement, certains plaideurs, comme dans cette affaire, ont fait valoir relativement aux systèmes mixtes, qu’il fallait considérer l’unité d’évaluation comme une construction non industrielle. Selon cette interprétation, tout ce qui était relié à ces systèmes mixtes et qui était présent en raison de l’activité industrielle devait être exclu du rôle. L’argumentation offerte prenait pour appui notamment que le mot « construction » utilisé une deuxième fois au quatrième alinéa in fine de l’article 65 était une « coquille vide » selon l’expression utilisée par l’appelante, au sens des fonctions de loger et d’abriter données audit mot dans le contexte du second alinéa de l’article 65 par. 1.

Dans l’affaire à l’étude, 6108636 Canada inc., appelée aussi Delon, était propriétaire d’une manufacture de cosmétiques. Delon proposait un test d’application de l’amendement suggérant que l’évaluateur municipal devait obligatoirement et d’abord, déterminer ce qui était normalement nécessaire à une construction non industrielle de même gabarit. En d’autres mots, il fallait évaluer les systèmes comme étant ceux d’un immeuble générique de type entrepôt, afin d’assurer simplement le maintien en bon état de la « coquille vide ». Ce faisant, la proposition de Delon, entraînait l’exclusion complète du rôle des systèmes mixtes lorsque par exemple la capacité ou la surcapacité de ceux était requise pour le bien-être des occupants de l’immeuble industriel. Pour Delon, la capacité du système de ventilation afin d’éliminer les contaminants dans l’usine en cause, ne devait pas être considérée puisque c’était une construction non industrielle qu’il fallait évaluer eu égard à la présence des systèmes mixtes. Autrement dit, selon cette thèse, l’immeuble devait être réputé non industriel pour les fins du quatrième alinéa et n’avait donc pas besoin d’évacuer des contaminants dans ce cadre fictif.

Du côté des villes, l’évaluateur de Montréal avait traduit le normalement nécessaire, par un ajustement en pourcentage selon la capacité des systèmes à maintenir en bon état la construction industrielle telle qu’elle était. L’ajustement tenait aussi compte de l’occupation par des personnes de cette construction industrielle bien réelle. Suivant en cela l’évaluateur de la Ville de Montréal, le TAQ avait été d’avis que les équipements de remplacement proposés par l’évaluateur de Delon n’avait pas une utilité équivalente car « ne tiennent notamment pas compte de la nécessité d’évacuer les odeurs pour la santé, la sécurité et le confort des employés »3.

Pour la Cour du Québec, le test proposé par Delon n’existait pas. Le TAQ n’avait donc commis aucune erreur de fait ou de droit en refusant de l’appliquer. Pour la cour, le raisonnement de Delon était un syllogisme imposant un carcan qui ajoutait à la Loi. Selon celle-ci, c’était le système mixte qui devait être évalué au quatrième alinéa et non pas une construction :

« Le texte nomme clairement et précisément que c’est le « système » mixte qui est l’objet de l’analyse puisque c’est la partie de « ce système » qui     excède ce qui est normalement nécessaire à la construction qui doit être   exclue du rôle »4

(…)

« La loi ne dit pas que, lorsqu’une « construction » contient un système mixe (sic), cette « construction » doit être comparée à une construction où il n’y aurait pas de production industrielle. C’est le système dont il est question. »5

La conclusion importante du Juge Daoust dans cette affaire fut de souligner que la façon d’identifier la partie du système mixte qui excède le normalement nécessaire est laissée par le législateur au jugement de l’évaluateur, sans recette préconçue, selon la situation et avec les outils dont il dispose, dont le guide de « La mise au rôle des biens immobiliers industriels au Québec » préparé par le MAMROT, jugé très pertinent à cette fin.

L’appel de Delon fut rejeté et la décision du TAQ confirmant l’approche de l’évaluateur de la Ville de Montréal fut maintenue par la Cour du Québec, laquelle écrivait à la toute fin :

« Rien dans la loi impose à l’évaluateur de réaliser un exercice théorique sur un immeuble qui n’existe pas, celui où il n’y aurait pas de production industrielle »6