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Travail et emploi

Droit du travail et de l’emploi – Décembre 2025

Table des matières

Les employeurs ne pourront désormais plus exiger de certificats médicaux pour des absences de trois jours et moins

Le 1er janvier dernier, des modifications à la Loi sur les normes du travail sont entrées en vigueur. Par le présent article, nous résumerons brièvement ces modifications.

Les articles qui ont été modifiés se lisent désormais comme suit :

79.2. La personne salariée doit aviser l’employeur le plus tôt possible de son absence et des motifs de celle-ci. L’employeur peut demander à la personne salariée, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence ou au caractère répétitif de celle-ci, de lui fournir un document attestant ces motifs.

Toutefois, l’employeur ne peut demander le document visé au premier alinéa pour les trois premières périodes d’absence d’une durée de trois journées consécutives ou moins prises sur une période de 12 mois.

Si l’employeur y consent, la personne salariée peut, au cours de la période d’absence prévue au deuxième alinéa de l’article 79.1, reprendre son travail à temps partiel ou de manière intermittente.

79.7. Une personne salariée peut s’absenter du travail pendant 10 journées par année pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé d’un membre de la famille ou d’une personne pour laquelle la personne salariée agit comme proche aidant, tel qu’attesté par un professionnel œuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux régi par le Code des professions (chapitre C-26).

Ce congé peut être fractionné en journées. Une journée peut aussi être fractionnée si l’employeur y consent.

L’employeur peut demander à la personne salariée, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence, à l’exception d’un certificat médical.

La personne salariée doit aviser l’employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise et la durée du congé.

Les deux premières journées prises annuellement sont rémunérées selon la formule de calcul prévue à l’article 62 avec les ajustements requis en cas de fractionnement. Ce droit à des journées rémunérées naît dès que la personne salariée justifie de trois mois de service continu, même si elle s’est absentée auparavant.

[Nos emphases]

Les modifications apportées au deuxième alinéa de l’article 79.2 ont pour effet d’interdire à l’employeur d’exiger un document justificatif (par exemple, un certificat médical) pour les trois premières périodes d’absence de courte durée, soit pour les absences de moins de quatre jours consécutifs, au cours d’une période de 12 mois.

De manière plus concrète, un employeur pourra maintenant exiger un certificat médical lors d’une absence à compter de la quatrième journée consécutive d’absence ou à la quatrième période où le salarié s’absente dans l’année.

Il importe de noter que, pour l’instant, aucune exception n’est prévue pour les cas où l’absence serait abusive ou suspecte, ou encore si une convention collective prévoit une norme distincte.

Quant à eux, les amendements apportés à l’article 79.7, par un ajout à la fin du troisième alinéa, ont pour effet d’empêcher les employeurs d’exiger un certificat médical pour justifier une absence pour des raisons familiales ou parentales. Toutefois, cet amendement ne semble pas exclure la possibilité pour les employeurs d’exiger un autre type de pièce justificative.

Le Tribunal administratif du travail ordonne la réintégration d’une employée rétrogradée de son poste de gérante de succursale

Le Tribunal administratif du travail (ci-après « Tribunal ») est d’avis qu’une gérante de succursale d’un marché d’alimentation spécialisé a fait l’objet d’un congédiement déguisé lorsque l’employeur l’a rétrogradée au poste d’assistante-gérante et lui a retiré la quasi-totalité de ses tâches de gérante.

Cette conclusion s’inscrit dans l’affaire Turgeon[1]. La demanderesse, madame Turgeon, occupait un poste de gérante de succursale chez Dima Import-Export inc., une entreprise qui exploite des marchés d’alimentation spécialisés sous la dénomination sociale Les Aliments Merci.

Le 9 septembre 2022, la demanderesse a déposé une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (ci-après « Loi ») dans laquelle elle conteste sa rétrogradation au poste d’assistante-gérante, qu’elle considère comme un congédiement déguisé. Selon l’employeur, il s’agissait surtout de répartir les tâches entre elle et la collègue avec laquelle elle partageait la gérance de la succursale. Il a donc nié la survenance d’un congédiement et a attribué la fin de son emploi à une démission.

Il ressort de la preuve administrée que la demanderesse a travaillé une première fois pour l’employeur entre 2005 et 2011. Pendant cette période, elle a occupé différents postes, dont celui de gérante de la succursale située au marché Maisonneuve. Elle a été embauchée à nouveau au mois de septembre 2016. Cette fois, elle occupait alors le poste de technicienne marketing, mais en dépit de son titre, elle faisait principalement du travail de bureau. Au début de la pandémie, la demanderesse a effectué un retour comme gérante dans la succursale située sur la rue Masson, puis elle a éventuellement été nommée dans celle du marché Jean-Talon, en octobre 2020. À ce moment, il ressort du témoignage de la demanderesse que ses tâches incluaient la gestion du personnel, soit environ 12 à 16 salariés, la confection des horaires, les embauches, les commandes et la gestion de la relation avec l’entrepôt. Puis, en juin 2021, l’employeur a fait l’objet d’une acquisition par un nouveau propriétaire. La demanderesse se fait alors offrir le poste de gérante dans la succursale située au marché Maisonneuve, mais elle a refusé, signant plutôt un contrat de travail confirmant son poste au marché Jean-Talon.

Au mois d’avril 2022, la demanderesse a accepté de partager la gérance avec une collègue en provenance de la succursale de la rue Ontario pour une période indéterminée, mais temporaire. Bien que leurs responsabilités respectives ne soient pas clairement définies, la plaignante s’occupait principalement de la gestion du personnel et de la confection des horaires alors que sa collègue s’impliquait davantage au niveau des embauches. Toutefois, le 8 septembre, sans qu’elle en ait été informée au préalable, l’employeur a annoncé à l’ensemble du personnel de la succursale qu’elle occuperait dorénavant le poste d’assistante-gérante tandis que sa collègue demeurerait gérante. Après avoir rencontré le directeur général pour lui faire part de son immense surprise ainsi que pour lui signaler qu’elle n’aurait jamais accepté la cogérance si elle avait su que cela mènerait éventuellement à sa rétrogradation, la demanderesse a remis sa démission le 2 octobre suivant, puisque la seule tâche de gérance qui lui restait alors consistait essentiellement à faire des commandes auprès des fournisseurs lorsqu’elle est appelée à remplacer la gérante, qui est en outre devenue sa supérieure immédiate.

Après analyse, le Tribunal constate de la preuve administrée que la quasi-totalité des responsabilités dévolues à la demanderesse lui ont été retirées sans qu’elle y consente de quelque façon que ce soit. Au contraire, elle a déposé une plainte auprès de la CNESST dès le lendemain de l’annonce de sa rétrogradation comme assistante-gérante en plus de manifester son mécontentement au directeur général dans les jours suivants. Dans ces circonstances, et ce, malgré le maintien du salaire de la plaignante, le Tribunal est d’avis qu’il est manifeste que l’employeur a unilatéralement modifié une disposition essentielle du contrat de travail de la demanderesse de façon substantielle. Le Tribunal conclut que cette dernière s’est déchargée de son fardeau de prouver que la fin de son emploi est attribuable à un congédiement déguisé plutôt qu’à une démission libre et volontaire. Par conséquent, la plainte est accueillie.

La négligence de l’employeur compromet le recouvrement des sommes dues

Un arbitre de grief déclare qu’un employeur ne peut retarder le point de départ de la connaissance d’une erreur dont il est responsable en raison de sa propre négligence dans le recouvrement d’un trop-perçu.

Dans l’affaire opposant le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) au Ministère des Ressources naturelles et des Forêts[1], madame Caroline Tremblay, technicienne en informatique, a été informée en janvier 2017 qu’elle avait reçu un trop-perçu de 20 820,98 $ durant son invalidité entre octobre 2015 et août 2016. L’employeur en a demandé le remboursement, ce qui a été contesté par grief.

Le syndicat a invoqué la prescription de six mois prévue au Code du travail et soutenu que l’employeur ne pouvait agir sur le salaire de madame Tremblay puisqu’elle avait changé d’unité syndicale après une promotion. L’employeur a répondu que le délai de prescription devait commencer au moment où l’erreur a été découverte, soit en août 2016, et a reproché à la plaignante un manquement à son devoir de loyauté en n’ayant pas signalé le trop-perçu.

Après une analyse de la jurisprudence, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur aurait dû découvrir l’erreur dès novembre 2015, si des mécanismes de contrôle adéquats avaient été en place. Il rappelle qu’il appartient à l’employeur de mettre en place les garde-fous appropriés particulièrement dans l’utilisation d’un système complexe comme celui de la paie. Le point de départ de la connaissance de l’employeur ne pouvait correspondre au moment où l’erreur a été constatée, car, en respectant ses propres politiques internes et en réalisant les vérifications appropriées, l’employeur aurait pu détecter l’erreur bien avant. La négligence de l’employeur ne saurait en aucun cas être imputée à la plaignante. Par ailleurs, l’arbitre de grief a rejeté l’allégation de mauvaise foi à l’encontre de la plaignante, jugeant son état de santé compatible avec une absence de vigilance sur ses finances personnelles.

En conclusion, l’arbitre a déclaré prescrites les créances de l’employeur, rendant les sommes non récupérables, et a donné gain de cause au grief déposé par le syndicat.

Congédiement d’un chef d’équipe pour divulgation d’informations confidentielles et comportements abusifs

Le congédiement d’un chef d’équipe ayant peu d’ancienneté a été confirmé en raison de comportements vexatoires envers un collègue, notamment en lien avec la transition de genre de ce dernier.

Dans une décision[1] rendue récemment, un chef d’équipe de production, œuvrant au sein d’une entreprise offrant des services d’automatisation et de fiabilité pour les procédés industriels, conteste son congédiement, alléguant avoir été congédié sans cause juste et suffisante par son employeur. L’employeur soutient l’avoir congédié en raison de ses comportements abusifs, humiliants et vexatoires à l’endroit d’un employé de son équipe, lequel avait effectué une transition de genre dans le passé.

Le contexte factuel de l’affaire est, somme toute, assez simple. Le plaignant était à l’emploi de l’employeur depuis environ deux ans. Il occupait un poste de gestionnaire auprès de six à neuf employés, dont il était responsable de la formation ainsi que de la supervision. Vers la fin juillet 2022, l’employeur reçoit une plainte formulée par un employé travaillant dans l’équipe du plaignant, par laquelle de la discrimination, du harcèlement, des comportements inappropriés ainsi qu’un climat de travail toxique sont allégués. Au terme d’une enquête menée par l’employeur, la décision est prise de procéder au congédiement du plaignant. Sur une période totalisant sept mois, cinq principales fautes sont reprochées au plaignant.

Premièrement, celle d’avoir porté atteinte à la vie privée d’un salarié en divulguant une information personnelle et confidentielle à son sujet à un autre employé de l’entreprise. En effet, un employé travaillant sous la supervision du plaignant lui avait confié avoir vécu une transition de genre dans le passé. Le plaignant a admis avoir dévoilé cette information à un autre membre de l’équipe, prétextant l’avoir fait dans le but que des tâches moins exigeantes physiquement soient attribuées à l’employé en question. Deuxièmement, lors de la conversation durant laquelle ce dernier s’est confié quant à sa transition de genre, le plaignant aurait émis des commentaires inappropriés et aurait même suggéré que l’employé lui montre son organe génital. Ensuite, le plaignant aurait toléré, voire même encouragé, des propos humiliants envers ce même employé ainsi que l’utilisation d’un surnom dégradant à son endroit. En sus, le plaignant aurait manqué de respect à l’égard des pratiques spirituelles de celui-ci, en les tournant à la dérision. Enfin, le plaignant aurait tenu un propos discriminatoire à caractère homophobe sur les lieux du travail, lequel propos aurait été entendu par d’autres employés.

Dans le cadre de son analyse, le Tribunal en arrive à la conclusion que les fautes reprochées au plaignant ont été démontrées par prépondérance des probabilités, principalement en raison du fait que, bien qu’il ait tenté de minimiser ou de nuancer les gestes, le plaignant a admis leur survenance.

Les fautes démontrées, le Tribunal devait déterminer si elles justifiaient le congédiement dans les circonstances. Il est d’avis que l’habituelle progression des sanctions n’aurait pas été indiquée, en l’espèce, considérant l’absence de remords et de prise de conscience du plaignant. À titre de facteur aggravant, le Tribunal retient la gravité objective des fautes commises, la courte ancienneté du plaignant, la nature de sa fonction de chef d’équipe, l’existence d’une politique de l’employeur portant sur la dignité et le respect, ainsi que la répétition et la continuité des gestes. À titre de facteur atténuant, le Tribunal souligne le dossier disciplinaire vierge du plaignant. Toutefois, ce seul élément ne saurait contrebalancer les nombreux facteurs aggravants, en raison notamment de sa courte ancienneté.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal maintient alors le congédiement.

Il importe de noter qu’en décembre 2024, cette décision a été portée en contrôle judiciaire. Il sera intéressant d’en suivre les développements.

Transfert de coûts : l'omission de porter la ceinture de sécurité, une injustice pour l'employeur?

Le Tribunal administratif du travail (ci-après « Tribunal ») conclut que le caractère inusité ou exceptionnel des circonstances ayant joué un rôle déterminant dans l’accident de la route dont a été victime le travailleur n’a pas été démontré de manière prépondérante par l’employeur.

Dans cette affaire[1], le travailleur occupe un emploi de camionneur auprès de l’employeur lorsqu’il est victime d’un accident de la route. Le travailleur a perdu la maîtrise de son camion-citerne et celui-ci s’est retrouvé renversé dans le fossé. Le travailleur est malheureusement décédé d’une asphyxie positionnelle par compression thoracique dans l’habitacle de son camion.

L’employeur a par la suite déposé une demande de transfert du coût des prestations à la CNESST, qui a été refusée puis confirmée en révision administrative. C’est cette décision qu’il conteste devant le Tribunal. En effet, l’employeur reconnaît qu’un accident de la route fait partie des risques inhérents à ses activités, mais allègue que celui-ci est survenu dans des circonstances inhabituelles, exceptionnelles ou anormales, et qu’il est injuste qu’il en supporte les coûts : le travailleur ne portait pas sa ceinture de sécurité et il a fallu 11 heures avant de pouvoir l’extirper de son camion.

Dans son analyse, le Tribunal note qu’un employeur qui désire bénéficier d’un transfert de coûts doit prouver deux éléments, soit une situation d’injustice et une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice qui est significative par rapport aux coûts qui découlent de l’accident du travail en cause.

Le Tribunal retient toutefois que la simple négligence ou imprudence du travailleur, en l’occurrence l’omission de porter sa ceinture de sécurité, ne constitue pas une circonstance extraordinaire ou inusitée qui autorise un transfert du coût des prestations et que, dans ce cas-ci, ceinture ou pas, l’accident se serait tout de même produit.

Quant au fait qu’il a fallu 11 heures avant de pouvoir extirper le travailleur de son camion, le Tribunal note que ce fut en raison d’un déversement d’essence sur les lieux de l’accident et de la nécessité de sécuriser ceux-ci. Il explique par ailleurs que de telles mesures de sécurité auraient été prises dans toutes autres circonstances.

Pour ces raisons, le TAT rejette la contestation de l’employeur.