Fermer
Recherche:
Actualités
Travail et emploi

Droit du travail et de l’emploi – Août 2024

Table des matières

Un grief pour remboursement de frais de scolarité est rejeté par le tribunal qui juge que l’employeur n’a pas agi de manière déraisonnable, arbitraire ou de mauvaise foi

Le Tribunal d’arbitrage (ci-après le « Tribunal ») est d’avis que l’employeur était fondé à rejeter la demande de remboursement de frais de scolarité du plaignant en raison des coûts importants du programme envisagé, de l’existence d’une option moins coûteuse et de ses restrictions budgétaires.

Cette conclusion s’inscrit dans l’affaire Ville de Montréal[1] où le syndicat, au nom d’un avocat œuvrant pour l’employeur, soutient que la décision de ce dernier de rejeter une demande de remboursement de frais de scolarité est contraire à la clause 28.02 de la convention collective qui prévoit ce qui suit :

28.02  La Ville consent à rembourser à tout juriste permanent, sur présentation d’une attestation de succès ou dans le cas où il n’existe pas d’examen, d’une attestation de présence au cours, la moitié des frais d’inscription et de scolarité de tout cours d’études approuvé par la Ville avant le début du cours et qui est en relation avec la nature du travail exécuté par le juriste ou qui peut lui permettre d’accéder à une fonction supérieure.

En l’espèce, il est pertinent de noter que l’employeur offre un Programme de remboursement des droits de scolarité (ci-après appelé le « Programme ») dans le but d’encourager et de favoriser le développement professionnel de ses employés. Elle l’administre selon une politique administrative qu’elle a adoptée et qui énonce les critères d’acceptation des demandes de remboursement qui lui sont adressées. L’application de cette politique a amené l’employeur à rejeter la demande du plaignant en raison du coût du programme de formation envisagé et de l’existence d’une possibilité moins onéreuse.

Dans le cadre de l’arbitrage, le syndicat a prétendu que, dès que les critères de la clause 28.02 de la convention collective étaient satisfaits, l’employeur devait approuver le programme d’études choisi et rembourser la moitié des frais engagés. Ainsi, la décision rendue par l’employeur serait déraisonnable et arbitraire puisqu’elle est fondée sur des critères étrangers à la clause en litige. De son côté, l’employeur a soutenu qu’outre le critère de la pertinence du programme d’études, les paramètres devant guider l’approbation d’un cours pour les fins de l’application de la clause 28.02 n’ont pas été définis par les parties, ceux-ci ayant été laissés à la discrétion de l’employeur dans l’exercice de son droit de gestion. Selon lui, la politique mise en place lui permettait légitimement de refuser la demande du plaignant en raison des coûts du programme de MBA proposé par l’Université McGill.

Après analyse, le Tribunal est d’avis que la clause 28.02 ne confère pas au plaignant un droit au remboursement des frais de scolarité pour toute formation en lien avec son travail ou pouvant lui permettre d’accéder à une fonction supérieure. Une condition supplémentaire doit être satisfaite, à savoir l’approbation préalable du cours selon des critères qui ont été laissés à la discrétion de l’employeur conformément aux droits de gestion qui lui sont reconnus.

En l’espèce, l’arbitre constate que le critère du coût apparait dans le formulaire d’approbation d’un cours pour les fins de l’application de la clause 28.02. Par conséquent, il est raisonnable selon lui d’en déduire qu’il s’agit d’un facteur parmi d’autres que l’employeur considère ou pondère au moment de prendre sa décision d’accepter ou de refuser une demande. Or, il ressort de la preuve que pour l’obtention d’un MBA à l’Université McGill, les droits de scolarité que l’employeur aurait dû rembourser pour moitié équivalaient minimalement à une somme de 51 500 $ si on tient compte de la bourse obtenue par le plaignant et qui était conditionnelle au maintien d’une moyenne de B+. L’arbitre estime que cette somme est énorme comparativement aux 9 000 $ exigés par HEC Montréal.

Le Tribunal conclut que la décision prise par l’employeur ne découle pas d’une application aveugle et automatique de la politique, mais bien d’une analyse particularisée de la demande du plaignant. Cette décision est raisonnable et fondée sur des critères pertinents et en lien avec l’objectif du Programme. Notamment, la preuve a démontré que chaque unité administrative bénéficie d’un budget de formation d’environ 5 000 $ à 15 000 $. Ainsi, aux yeux de l’arbitre, si l’employeur avait approuvé la demande du plaignant, ce budget lui aurait été entièrement consacré, ce qui va à l’encontre de l’objectif du Programme qui est d’encourager et de favoriser le développement des employés de la Ville, et non d’un seul.

Suivant ce qui précède, le grief formulé par le syndicat est rejeté.

 

Deux chauffeurs perdent leur statut de salarié en raison de tâches de gestion

Le Tribunal administratif du travail a refusé de reconnaître le statut de salarié à deux chauffeurs d’Environnement Routier NRJ Inc. au motif qu’ils consacrent une partie de leur travail à des tâches de gestion[1].

Dans le cadre de la requête déposée par le Syndicat des chauffeuses et chauffeurs de matières recyclables d’Environnement Routier NRJ Sherbrooke – CSN, visant à représenter tous les chauffeurs employés par l’entreprise, une divergence est apparue entre le syndicat et l’employeur concernant le statut de ces deux chauffeurs. Le syndicat militait pour leur exclusion dans l’unité de négociation, tandis que l’employeur plaidait pour leur inclusion.

Le Tribunal a tranché en faveur du syndicat, jugeant que, bien que M. Godhue et M. Sage accomplissent des tâches similaires à celles des autres chauffeurs la majorité du temps, certaines de leurs responsabilités les positionnent comme des représentants de l’employeur. Ces responsabilités incluent la supervision des autres chauffeurs et la prise de décisions opérationnelles, ce qui les exclut du statut de salarié tel que défini par le Code du travail.

Le Tribunal a rappelé que les exclusions au statut de salarié doivent être interprétées de manière restrictive. Néanmoins, même si les tâches de gestion sont accessoires à leur travail principal, elles suffisent à justifier l’exception, pour autant qu’elles soient régulières et intégrées à leur fonction.

En conséquence, le syndicat a été accrédité pour représenter uniquement les chauffeurs n’ayant pas de fonctions de gestion.

Accident de voiture en route vers une clinique de dépistage de la covid-19 : peut-il s’agir d’un événement survenu à l’occasion du travail?

Le Tribunal administratif du travail a conclu que l’accident de voiture d’une préposée aux bénéficiaires en route vers une clinique de dépistage de la COVID-19 était survenu à l’occasion du travail.

En effet, dans l’affaire Gornicka et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal – Centre hospitalier de soins de longue durée Marie-Curie-Sklodowska[1], la travailleuse a été impliquée dans un accident de voiture alors qu’elle se dirigeait vers une clinique de dépistage de la COVID-19. Elle a subi une blessure au cou, soit une entorse cervicale.

La travailleuse dépose une réclamation auprès de la CNESST. Celle-ci est toutefois refusée au motif que le délai entre les événements et la déclaration à l’employeur ne permettait pas de conclure que l’entorse cervicale et le trouble dépressif majeur de la travailleuse étaient survenus lors de l’exécution de ses tâches ou à l’occasion de son travail. La travailleuse conteste cette décision devant le Tribunal.

Le Tribunal en vient à la conclusion que l’accident de voiture dont a été victime la travailleuse constitue un événement imprévu et soudain, et qu’il est survenu à l’occasion du travail. Les critères suivants ont fait l’objet de son analyse :

  • le lieu de l’événement accidentel;
  • le moment de l’événement accidentel;
  • la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement accidentel;
  • l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur lorsque l’événement accidentel ne survient, ni sur les lieux ni durant les heures du travail;
  • la finalité de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement accidentel, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail;
  • le caractère de connexité et d’utilité relative de l’activité du travailleur au regard de l’accomplissement du travail.

Le Tribunal précise qu’aucun de ces critères n’est décisif et qu’ils doivent plutôt être analysés selon les circonstances propres à chaque situation. Le Tribunal mentionne toutefois qu’il attribue une attention particulière aux deux derniers critères, soit la finalité de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’accident, et le caractère de connexité et d’utilité relative de l’activité du travailleur au regard de l’accomplissement du travail.

Dans les faits, la travailleuse affirme que l’accident s’est produit après son quart de travail. En effet, selon les exigences et procédures entourant le dépistage contre la COVID-19 applicables chez l’employeur au moment de l’accident, la travailleuse devait se faire dépister trois fois par semaine parce qu’elle n’avait pas reçu le vaccin contre la COVID-19, et que, par manque de temps, le dépistage devait être fait avant ou après la journée de travail.

Par ailleurs, le Tribunal note que la procédure d’inscription aux dépistages hebdomadaires était fournie par l’employeur, que la travailleuse devait, chaque semaine, acheminer une impression de son carnet de santé à son gestionnaire, qu’à défaut de se faire dépister, la travailleuse n’était pas autorisée à travailler et que l’employeur considérait cette situation comme une absence non autorisée, que la travailleuse bénéficiait d’une prime de dépistage contre la COVID-19 équivalant à une heure de travail et, finalement, que l’accident est survenu 15 minutes après la fin de son quart de travail.

Le Tribunal conclut donc que la finalité de l’activité de la travailleuse au moment de l’accident fut de se rendre à la clinique pour se faire dépister contre la COVID-19 et qu’elle visait à répondre à une exigence liée à son travail de préposée aux bénéficiaires, qu’il existe ainsi une connexité entre l’activité de la travailleuse au moment de l’accident et son travail, et que, de ce fait, la travailleuse se trouvait dans sa sphère professionnelle au moment de l’accident.

Finalement, le Tribunal ne retient que le diagnostic d’entorse cervicale puisque la preuve démontre que le diagnostic de trouble dépressif majeur, dont les symptômes psychologiques de la travailleuse ont débuté plusieurs mois avant l’accident, était plutôt lié à une situation familiale.

Le Tribunal accueille donc la réclamation de la travailleuse.

Négligence grossière et volontaire d’un travailleur

Le 23 mai dernier, le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») s’est prononcé sur une demande de transfert d’imputation déposée par un employeur, en raison de la négligence grossière et volontaire d’un travailleur ayant subi une lésion professionnelle[1].

Dans cette affaire, la demande de transfert d’imputation avait été faite par l’employeur en juillet 2021, donc avant l’entrée en vigueur des modifications à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP »), notamment à l’article 327. Depuis le 6 octobre 2021, cette disposition prévoit l’imputation aux employeurs de toutes les unités lorsque le coût des prestations d’une lésion professionnelle est dû à la négligence grossière et volontaire d’un travailleur, en vertu de l’article 27 de la LATMP.

Puisque la demande de transfert avait en l’espèce été faite avant les modifications à la loi, elle a été analysée sous l’angle de l’article 326 de la LATMP, l’employeur plaidant qu’il était obéré injustement par le coût des prestations.

Il avait été mis en preuve que le travailleur, un infirmier appelé à se déplacer et à se rendre à différentes destinations pour accomplir son travail auprès de patients, a quitté sa résidence de Brossard pour se rendre à Matagami afin d’y effectuer un contrat de travail de deux mois dans une clinique médicale.

Pour la route pour s’y rendre, l’employeur proposait deux trajets permettant d’emprunter des routes principales. Ces trajets avaient été indiqués par l’employeur dans le cadre d’une formation et il possédait une politique en ce sens. Toutefois, il appert de la preuve que le travailleur avait choisi un troisième trajet, non indiqué par l’employeur, mais plus court en temps. Ce trajet impliquait de passer par une route forestière sans signal cellulaire. Or, par cette route, le travailleur a emprunté un pont fermé à la circulation et son véhicule s’est immobilisé en position précaire, obligeant le travailleur à quitter son véhicule, et ce, en plein hiver. Il est finalement décédé d’hypothermie.

Le rapport d’enquête du coroner et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail attribuaient l’accident du travailleur et sa lésion professionnelle au non-respect des règles par celui-ci et aux initiatives qu’il avait prises quant à la route empruntée.

Suivant ces éléments de preuve, le TAT a considéré que la preuve était prépondérante pour établir que l’employeur avait été obéré injustement et a accordé le transfert du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

Le versement d’une prime de 2 $ de l’heure de plus seulement aux préposés d’aide à domicile disponibles au moins 30 heures par semaine constitue une disparité de traitement illégale en vertu de l’article 41.1 de la loi sur les normes du travail

La Cour du Québec s’est prononcée sur une demande de la CNESST fondée sur l’article 41.1 de la Loi sur les normes du travail, qui interdit à l’employeur d’accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à ses autres salariés qui effectuent les mêmes tâches, notamment parce que le salarié travaille moins d’heures[1].

Invoquant un problème de pénurie de main-d’œuvre, l’employeur, une entreprise d’économie sociale en aide à domicile, avait décidé d’offrir une prime de 2 $ de l’heure de plus seulement à ses préposés d’aide à domicile qui étaient disponibles au moins 30 heures par semaine. La preuve révélait que les tâches de tous les préposés d’aide à domicile étaient les mêmes.

L’employeur expliquait qu’il avait eu à faire plusieurs mises à pied en raison de la pandémie et des règles sanitaires mises en place par le gouvernement et qu’il souhaitait trouver un moyen de motiver les préposés à revenir travailler pour lui. Ainsi, les salariés qui étaient disponibles 30 heures et plus par semaine obtenaient une prime de 2 $ de l’heure au prorata des heures travaillées.

En se basant sur les définitions de « taux de salaire » et « prime » contenues au Dictionnaire canadien des relations de travail[2], la Cour du Québec conclut que la supposée prime versée constitue plutôt une majoration du taux de salaire et que l’employeur n’a pas offert de justification permettant de conclure que les salariés étaient, par exemple, dédommagés pour compenser certains inconvénients en lien avec leur travail quant à son moment ou sa durée, selon la définition de « prime » prévue au dictionnaire.

La Cour estime donc que l’employeur se trouve à créer deux catégories de salariés, soit ceux à temps plein et ceux à temps partiel, en fonction des disponibilités données par ces salariés, ce qui contrevient à l’article 41.1 de la Loi sur les normes du travail. Conséquemment, deux salariés ayant effectué le même nombre d’heures de travail, dans une semaine donnée, ne reçoivent pas le même taux de salaire. Elle accueille donc en partie la demande de la CNESST, une partie de la réclamation étant prescrite.